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Pointculture_cms | critique

Neruda, la traque d'un poète

NERUDA

poésie, Artiste au travail, Chili, Neruda, Pablo Neruda, Pablo Larraín

publié le par Michaël Avenia

Avant d’être l’homme politique et le poète que l’on connait, Pablo Neruda était surtout et avant tout un artiste épris de liberté. C’est cette facette de l’homme que Pablo Larraín décide d’explorer dans un biopic à rebours des conventions hollywoodiennes classiques.

Biopic ?

Tout d’abord, replaçons le film dans son contexte historique. En 1948, suite à l’arrestation de nombreux cadres du parti communiste et autres syndicalistes par le gouvernement de Gabriel González Videla, Pablo Neruda se voit obligé de quitter le Chili pour l’Argentine.
Après s’être intéressé à travers trois films (Toni Manero, Post mortem et No) à la période Pinochet de son Chili natal, Larraín se focalise ici sur l’une des figures-phare de l’histoire et de la culture chilienne. Une fois encore, le cinéaste n’aborde pas frontalement l’aspect historique. Il le fait par un biais détourné : celui de l’artiste qui se joue du pouvoir et de l’autorité. Bien que le film soit intimement lié à l’histoire politique du Chili, Larraín opte pour une approche moins revendicatrice qu’humaine. Bien loin des codes du traditionnel biopic plan-plan, il investit des territoires plus ambigus, plus éthérés, choisissant de mettre l’accent sur l’artiste, sur l’homme plutôt que sur la figure historique. C’est bien là toute la force de ce Neruda. Loin des sentiers battus, empruntant les voies de traverse et transportant le spectateur de son souffle onirique, ce road movie poétique se veut plus fascinant que pédagogique. Et c’est tant mieux.   

Neruda2


Pablo et Pablo

Pablo Larraín emprunte à Pablo Neruda son amour du roman policier pour imaginer cette traque plus spirituelle que réelle. Ainsi cette poursuite menée par l'inspecteur - fictif - Peluchonneau (magnifique Gaël Garcia Bernal) se mue rapidement en un affrontement à distance entre le dictat du pouvoir et la force créatrice du poète. Ce choc entre deux visions antagonistes du monde est orchestrée de main de maître par Larraín qui, à l’instar de son illustre compatriote du même prénom, joue avec le temps et l’espace, transforme cet épisode de l’histoire en œuvre nouvelle et singulière. Jouant de la complexité de Neruda, l'homme, et usant de sa rhétorique de cinéaste, il orchestre un véritable poème audiovisuel, comme une mise en abyme totale.

C’est durant cette traque que Pablo Neruda composera en grande partie son célèbre Chant général (Canto General), poème colossal de quelques 15.000 vers. Analogie (in)volontaire, Larraín réalise ici son film le plus abouti, simple dans sa complexité et véritable hommage à Neruda, mais aussi et surtout à l’artiste.


Michaël Avenia