NEXT STOP... SOWETO. TOWNSHIP SOUNDS FROM THE GOLDEN AGE OF
Premier volume d’une série de trois disques, cet album s’intéresse aux premières musiques populaires sud-africaines. Cette anthologie est une histoire de résistance, celle de la population noire d’Afrique du Sud, mais aussi celle de la portion de la population blanche qui croyait à la possibilité d’une société mixte, multiculturelle. La musique que vient illustrer cette compilation, le Mbaqanga, est à l’image de cet espoir de métissage, ou tout du moins de cohabitation, un mélange des styles traditionnels de plusieurs ethnies sud-africaines - dont les membres étaient venus nombreux chercher du travail à Johannesburg, et logeaient à quelques km de là, dans la banlieue de Sophiatown, – et d’emprunts à des styles américains comme le swing. Des années 1930 à sa fermeture en 1955, le township sera le lieu d’échanges musicaux intenses entre les diverses populations du pays. Ajoutant aux harmonies vocales zoulou les rythmes hybrides du marabi ou du kwela et des arrangements modernes, urbains, le genre sera l’emblème de ce melting-pot qu’était alors en train de devenir le pays.
La montée du parti nationaliste, remportant le pouvoir en 1948, et implémentant immédiatement une politique de ségrégation, tristement connue sous le nom d’apartheid, mettra fin à ces zones de mixité. Les lois raciales déjà en vigueur durant la période néerlandaise, puis britannique, seront drastiquement renforcées pour assurer ce que le régime nommait « développement séparé », euphémisme désignant la répartition des zones géographiques d’habitation selon des critères ethniques - et en pratique la relégation des noirs à des banlieues réservées - et pour éliminer ces « zones grises » où pouvaient se côtoyer jusque-là les différentes populations. Les quelques 65000 résidents noirs de Sophiatown furent ainsi expulsés pour faire du township une banlieue pour blancs, ils seront déplacés vers une autre banlieue : Soweto. C’est là, dans un ghetto surpeuplé à l’atmosphère lourde d’interdictions en tout genre et de censure, que se poursuivra l’aventure du Mbaqanga. Genre à présent underground, il restera toutefois une musique audacieuse, ouverte à toutes les influences, tous les métissages et continuera à se diversifier en intégrant rumba, gospel et stomp, un rythme local particulièrement efficace. Le premier volume de cette série nous présente l’âge d’or du genre et les débuts de musiciens qui deviendront, en marge de l’Afrique du Sud officielle, les meilleurs ambassadeurs de la musique noire de la région. Si la population blanche n’en entendra quasiment jamais parler sur place, la communauté internationale, elle, reconnaîtra les talents de Simon “Mahlathini” Nkabinde ou des Mahotella Queens, comme ceux de Myriam Makeba ou d’Abdullah Ibrahim.
Benoit Deuxant