BRIGITTE ET MOI
L’avertissement en début de programme donne le ton puisque l’équipe annonce de but en blanc que certaines scènes pourraient heurter la sensibilité des personnes n’étant pas au faîte des choses de la vie.
C’est que, pour les besoins du court film « Brigitte et moi » (55 minutes), le réalisateur Nicolas Castro et le scénariste Sébastien Thoen ont compilé des extraits de 31 films avec Brigitte Lahaie par le biais d’un astucieux montage dont le résultat n’est jamais très éloigné du « Grand Détournement » des Nuls.
Seul derrière sa machine à écrire, Richard (Richard « Queue de béton » Allan) se souvient avec nostalgie de son grand amour, Brigitte (Brigitte Lahaie), et évoque leur passé, respectif et commun : Richard, jeune homme de bonne famille a un faible pour les soubrettes, mais peine à trouver l’âme sœur.
De son côté, après des années de militantisme d’extrême gauche, Brigitte devient lesbienne féministe avant d’intégrer une communauté hippie, puis de se spécialiser dans les méthodes de l’antipsychiatrie. En tentant de soigner Richard, elle le suivra dans sa perte…
Connaissant les personnages, cela prête évidemment à sourire. Néanmoins, archives du X et de l’information se mélangent sans scrupules et confèrent à cette histoire une logique implacable. On notera au passage qu’en dehors de la narration, remarquablement interprétée par Michel Vuillermoz, toutes les scènes et dialogues sont d’origine, et l’on éclate de rire à plus d’une reprise.
Sans aller jusqu’à dire que le porno de l’époque se basait sur de solides scénarios, les histoires n’étaient pourtant pas négligées et, plutôt qu’une succession de clips en gros plan tels qu’on les connaît aujourd’hui, ces productions-là étaient réalisées avec soin par de véritables passionnés. Acteurs et réalisateurs s’amusaient visiblement sur les tournages, et l’on était encore très loin de la surenchère actuelle: les corps et décors étaient naturels, l’humour – certes pas toujours très fin – omniprésent, les acteurs, amateurs pour la plupart, dotés de parole, et la présence l’emportait sur la performance.
À la fois comédie pseudo-dramatique et condensé d’information post-soixante-huitarde, "Brigitte et moi" a une réelle valeur documentaire.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Nicolas Castro à eu l’idée de ce film lors du montage de « L’âge d’or du X », documentaire de 54 minutes qui donne son nom à ce coffret.
Sous de fausses allures de journal de TF1, le film se penche sur cet âge d’or à travers plusieurs dates-clé allant de 1971 à 1982, soit des années post-soixante-huitardes à l’apparition du SIDA (et de la vidéo), période appelée communément « la parenthèse enchantée ».
Les voyeurs seront déçus puisqu’il s’agit davantage de laisser la parole aux protagonistes de l’époque et de replacer dans leur contexte culturel, social et politique des films comme «Exhibition 79 » ou « Les Jouisseuses ». Avec beaucoup de recul et de clairvoyance, des intervenants tels que Brigitte Lahaie, le réalisateur Jean-François Davy ou le producteur Francis Mischkind prennent la parole pour conter leurs impressions au cours d’entretiens entrecoupés d’extraits de films et d’images d’archive. Le résultat est aussi drôle que passionnant et éclaire d’une lumière nouvelle le film « Brigitte et moi ». Il me semble d’ailleurs judicieux de visionner le documentaire avant la fiction afin de mieux en apprécier le degré de surréalisme.
Peut-être pas de quoi donner envie de (re)voir tous ces films, mais de quoi, en tous les cas, passer une agréable soirée… seul ou à deux.
Catherine Thieron