SHAKER
Après trois mini albums autoproduits, Nicolas Jules publie en 2004 son premier album intitulé Le Cœur sur la Table, qui lui vaudra – de même que son Powête paru quatre ans plus tard – le Coup de Cœur de l’Académie Charles Cros. Entre temps, il aura sorti le live L’Atelier (2005), la scène restant depuis ses débuts dans les années 90 la plaine de jeu favorite du Français.
Pour son récent Shaker enregistré à Montréal, le faiseur de chansons s’est entouré du bassiste Fred Boudreault, du batteur Roland Bourbon et du guitariste québécois Urbain Desbois. Toutes guitares en avant, le Jules secoue l’auditeur d’entrée de jeu avec ses textes abstraits aux rimes improbables; des textes qui ressemblent étrangement aux illustrations baroques dont le musicien agrémente ses livrets depuis ses premiers e.p. et que n’aurait probablement pas renié Serge Gainsbourg (mais je m’avance peut-être un peu…).
Musicalement, Shaker affiche la nonchalance d’une « americana » à la française: au trio basse-batterie-guitare lorgnant davantage sur le blues crasseux que sur la joliesse polie d’une chanson française aseptisée s’ajoute l’irrésistible voix grave du chanteur-poète.
Des chansons d’amour d’une autre espèce (L’amicale des Joueurs de luth, Fille de mes fièvres, Des kilomètres) cohabitent avec de la poésie moderne (Un joli bruit de moteur, Par le trou des voyelles) et une visite d’huissier (Le p’tit soleil), et si les thèmes sont variés, ils sont abordés avec un humour souvent cynique qui empêche fort heureusement l’auteur de tomber dans la facilité d’une prose pseudo-engagée chère à bon nombre de ses contemporains francophones.
Il se trouve en effet que Nicolas Jules se soucie des étiquettes comme d’une guigne et évolue depuis ses débuts avec patience et discrétion dans le grand cirque de la chanson française, préférant aux soirées de gala les scènes modestes des cafés-concerts et centres culturels; plusieurs centaines de concerts qui permirent au jeune homme d’assurer les premières parties d’artistes aussi recommandables que Paris Combo, Dominique A, Thomas Fersen ou Jacques Higelin.
Des artistes de qualité qui ont su se faire une réputation sans succomber aux sirènes de la gloire… comme Nicolas Jules, assurément !
Catherine Thieron