Un village, tout ce qu’il y a de plus anglais, cache un trésor dont la clé réside en une grosse centaine d’énigmes à déjouer. Rien de plus facile pour le génie sans faille du professeur et de son astucieux assistant Luke. Mais en sera-t-il de même pour toute la famille à laquelle ce jeu s’adresse ?

Professeur Layton et l’Étrange Village prend son temps pour vous amener au cœur de son sujet : Saint-Mystère et sa pomme d’or promise à celui qui viendra à bout de son dédale d'énigmes. Joliment contrasté entre le trait ligne claire de ses personnages et le foisonnement discret, infiniment nuancé dans les couleurs, de ses décors, le graphisme oscille entre manga sous haute influence européenne (on pense à la toile de fond du Château Ambulant de Miyazaki) et une BD où les caractéristiques graphiques, parfois grossières mais jamais forcées, des héros et intervenants en disent déjà long sur leur nature profonde. Bien qu’élaboré au Japon où il truste les meilleures ventes, ce jeu récupère avec bonheur certains éléments indissociables de la littérature anglaise (de la fin) du XIXe siècle qu’il réutilise avec une rare malice. Le visage impassible, coiffé de son haut-de-forme et suivi comme son ombre par son fidèle et bouillonnant élève détective, Professeur Layton campe un parfait Sherlock Holmes. Et niché dans une campagne d’un vert presque suspect, Saint-Mystère, sa faune si peu loquace, ses rues trop tranquilles mais parsemées d’invisibles indices, son manoir, son baron décédé dans d’étranges circonstances… renvoient à l’univers d’Agatha Christie et même parfois à Lewis Caroll…
Alléchés à l’idée de dénouer le sac de nœuds conduisant au trésor que constitue le testament du Châtelain disparu, Layton et Luke avancent au rythme de la résolution d’énigmes qu’ils ont la double tâche de présenter et d’expliquer… dès la solution trouvée… Environ 120 « gentils casse-têtes », mobilisant toutes les dimensions grand public de la logique et de la déduction, attendent le joueur qui, de temps à autre, retrouvera sous de nouvelles formes des énigmes qui ont fait le prestige des petits malins de l’épate. Variées, non-redondantes et prenant parfois l’aspect de figures géométriques à remodeler, les énigmes éludées donnent (parfois) lieux à d’intéressants commentaires explicatifs, sous forme de dialogues prof/élève et dévoilent, morceau par morceau, des aspects et recoins inexplorés de Saint-Mystère dans de courts mais nombreux interludes animés. Et pas de panique en cas de blocage momentané, de multiples indices monnayables avec de petites pièces S.O.S. et obtenues par simples manipulations de stylet sont dissimulés dans les moindres recoins du fond d’écran. En cas d’achoppement prolongé, il est même possible de sauter quelques étapes et d’y revenir ultérieurement, de disposer d’un précieux bloc aide-mémoire…
Des énigmes complémentaires peuvent s’obtenir via téléchargement et quelques « distractions » de commodité sans lien avec l’enjeu principal (ex : un puzzle à reconstituer) agrémentent la partie, mais Professeur Layton et l’Étrange Village finit parfois par lasser par monotonie ou manque d'aventures qui demanderaient seulement un peu de dextérité au stylet et atténueraient l’aspect purement cérébral de ce jeu. Par ailleurs, certaines questions souffrent d’un (léger) manque de précision dans leur formulation. Trop peu en somme pour solliciter l’avis de l’éminent Professeur Layton sur la marche à suivre…

Yannick Hustache