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Pointculture_cms | critique

Capsule temporelle - « Onoda, 10 000 nuits dans la jungle », un film d’Arthur Harari (2021)

ONODA

Japon, guerre, Seconde guerre mondiale, cinéma en salles, sortie ciné, Philippines, Arthur Harari, Onoda

publié le par Anne-Sophie De Sutter

Fresque biographique, Onoda emmène le spectateur dans la jungle des Philippines, aux côtés d’un soldat japonais persuadé que la Seconde Guerre mondiale est toujours en cours, même si les années ont passé.

Fin décembre 1944, le soldat japonais Hiro Onoda est envoyé sur l’île de Lubang dans les Philippines dans le cadre d’une mission secrète : continuer la guerre à tout prix et organiser la guérilla, en attendant les renforts. Après l’attaque des Américains au début de l’année 1945, il se retranche dans la jungle, accompagné de trois soldats dont il prend le commandement. Il y restera jusqu’en mars 1974 – presque 30 ans, un peu plus de 10 000 nuits.

C’est une histoire vraie qu’Arthur Harari raconte dans son long métrage. Il souhaitait tourner un film d’aventures mais n’avait pas d’idée de sujet ; sous forme de boutade, son père lui propose de parler d’Onoda, l’avant-dernier soldat japonais à s’être rendu, 30 ans après la fin de la guerre. Au fil du temps, la boutade est devenu un projet réel mais d’une ampleur conséquente, exigeant une organisation rigoureuse et un budget certain. C’est devenu une coproduction entre six pays : la France, évidemment, mais aussi la Belgique (notamment au niveau des costumes et du maquillage), l’Italie et l’Allemagne, ainsi que le Japon – une autre évidence – et le Cambodge, qui a été choisi comme lieu de tournage. Harari s’est d’ailleurs associé à Davy Chou, cinéaste franco-cambodgien, qui a mené l’équipe locale. Harari la décrit comme une « ruche » : chaque jour, pendant trois mois, entre 150 et 200 personnes se réunissaient sur les lieux du tournage dans la région de Kep et du Bokor, au sud du pays.

Les acteurs principaux sont tous japonais ; Kanji Tsuda, qui joue Onoda âgé, est connu pour ses nombreux seconds rôles. Dès qu’il a été choisi, il s’est totalement engagé. Arthur Harari raconte en effet qu’il avait déjà perdu beaucoup de poids six mois avant qu’il ne commence le tournage, juste pour montrer au réalisateur à quoi il ressemblerait en étant si maigre. Il a par la suite repris ce poids pour jouer d’autres rôles au Japon, puis il l’a reperdu en temps voulu. De tous les acteurs, Harari loue l’immense humilité et engagement, et surtout leur ouverture absolue.

Le réalisateur s’est totalement approprié l’histoire ; il voulait avant tout tourner un film de fiction. Il s’est bien sûr inspiré des mémoires d’Onoda, mais celui-ci n’a raconté que ce qu’il voulait raconter (et donc pas, par exemple, les meurtres de nombreux locaux). Harari a pris la liberté de le montrer comme un personnage de fiction, un peu comme Daniel Defoe a inventé Robinson Crusoé à partir d’une histoire vraie. Il a voulu montrer « l’histoire d’un homme qui a vécu un rêve très vrai ».

À part les premières scènes qui se passent en 1974, et un flashback à propos de la formation d’Onoda au Japon, le film est chronologique, entrecoupé d’inserts marquant la date. Onoda arrive aux Philippines alors que la guerre touche à sa fin et que l’armée japonaise est déjà en grande partie désorganisée. On voit une unique scène de combat, la seule scène qui renvoie vraiment à la tradition des films de guerre, mais, par la suite, l’action se déroule quelque peu comme un rêve. Onoda et ses trois comparses se retranchent dans la jungle et les montagnes et organisent leur vie, attaquant quelquefois les locaux, à la recherche de nourriture et ressources et construisant diverses cabanes pour se protéger.

Le film s’étire, tout en longueur, au rythme des saisons. L’arrivée de la pluie et des typhons est à chaque fois un moment fort, accentuant le huis-clos qui s’est créé entre les soldats, exacerbant leurs émotions. Au fil du temps, et d’accidents divers, Onoda se retrouve seul. Le film est ponctué par ces événements, et le spectateur attend avec un certain suspense ce qui va se passer. Dès l’écriture du scénario, Harari savait qu’il créerait un film d’une certaine durée, mais au cours du tournage, certains plans ont demandé un plus grand déploiement de temps. Des scènes à la fin du film ont été tournées en de longues séquences de 25 minutes, par la suite réduites au montage, mais cette durée se ressent toujours dans le résultat final. Comme le dit Harari : « il n’y a pas de complaisance étirée mais une expérience juste ». Pour lui, il n’y a pas de moments creux ; le spectateur quant à lui attend parfois un nouveau saut dans le temps, le rapprochant du dénouement final.

Onoda est filmé dans un mode très classique et descriptif, et il est dommage que la seule explication donnée à l’entêtement du soldat dans sa guérilla est sa formation, pendant laquelle son commandant a lourdement insisté sur le fait qu’il ne pouvait pas mourir et qu’il devait continuer jusqu’à ce qu’il reçoive de nouveaux ordres de la hiérarchie. Malgré des indices, des tracts, des journaux laissés là par le gouvernement japonais et sa famille toujours à sa recherche des années plus tard, Onoda refuse de voir la réalité. La seule qui lui convient est la sienne, et ses soldats approuvent immédiatement quand il explique que ces informations sont de la propagande. Il reste borné dans son monde, coincé dans son endoctrinement et a perdu toute once d’esprit critique ; c’est un sujet qui renvoie évidemment à l’actualité contemporaine. Harari a pris le parti de terminer son film en 1974, lors qu’enfin Onoda se rend et quitte les Philippines. Il n’y aura donc aucune tentative d’explication.

Il n’y a pas de dérives vers une contemplation de la nature, comme l’a fait Terence Malick dans de The Thin Red Line, ou Apichatpong Weerasethakul dans Tropical Malady, mais elle est malgré tout superbement cinématographiée, avec les ombres et les lumières tamisées des sous-bois, avec le soleil cru du milieu de journée, ou les lueurs du crépuscule et la nuit qui tombe soudainement. Les jours de pluies diluviennes sont assez impressionnants, les trombes d’eau tombant du ciel rythmant le récit. Les plans larges de la nature sont présents, mais le film est dominé par les personnages qui occupent les images à tout moment, en gros plans, en plans moyens, mais toujours centrés, ou organisés avec un point focal qui se trouve au milieu.

Onoda demande une certaine patience au spectateur, mais celui qui se laisse emmener dans cette aventure ressort de la salle avec la satisfaction d’avoir vu une histoire émouvante et très humaine, l’histoire d’un homme pris dans la tourmente de l’histoire et dont la vie a pris un tournant assez inhabituel à cause d’une guerre qui l’a complètement accaparé.

Onoda, 10 000 nuits dans la jungle, un film d'Arthur Harari

France, Belgique, Italie, Allemagne, Japon, Cambodge - 2019 – 2h45 – VO st. FR & NL

Un film réalisé avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles.


Texte : Anne-Sophie De Sutter

Une partie des informations et anecdotes de cet article sont extraites de l’interview qu’Arthur Harari a donnée suite à l’avant-première de son film au Cinéma Le Stockel, le 2 août 2021.

Crédits photos : Imagine


Agenda des projections :

Sortie en Belgique le 11 août 2021, distribution : Imagine

Bruxelles, Cinéma Galeries

Bruxelles, Vendôme

Bruxelles, Le Stockel

Nivelles, Ciné4

Rixensart, Ciné Centre

Namur, Cinéma Caméo

Charleroi, Quai 10

Liège, Le Parc

Liège, Sauvenière

Stavelot, Ciné Versailles

affiche Onoda

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