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Pointculture_cms | critique

ORB'S ADVENTURES BEYOND THE ULTRAWORLD

publié le par Benoit Deuxant

Ambient house for the E generation. Ce premier album de The Orb est un des plus grands succès publics de la musique ambient, alors à ses tout débuts. Composé comme un voyage psychédélique de plus de deux heures, il fait à la fois référence à Brian Eno […]

Sommaire

the orb

Les années 1990 n’ont bien sûr pas inventé la musique ambient, et les artistes reconnus (ou autoproclamés) comme fondateurs du genre sont les premiers à reconnaître l’importance des précurseurs des années 1970. Mais l’amalgame entre la musique ambient de cette époque et celle popularisée plus tard par des groupes comme The Orb ou le KLF de Chill Out, passe par quelques renégociations de la définition de cette musique. Lorsque Brian Eno invente comme on le sait le terme ambient music, il s’inspire de la musique d’ameublement d’Erik Satie, et a en tête des compositions minimalistes, atmosphériques (c'est-à-dire destinées à créer une ambiance, comme le fera plus tard la mood music de la compagnie Muzak), mais surtout « discrètes », le mot qu’il choisira pour titre d’un de ses premiers albums ambient (Discreet Music, 1975). Elles devaient avant tout se fondre dans le décor d’une pièce, en modifier très subtilement l’atmosphère mais éviter à tout prix de s’imposer à l’esprit. Il ne s’agissait pas d’une musique à écouter, mais d’une musique à oublier, dont la présence ne devait pas se faire sentir. Pour la nouvelle génération, cette vision pragmatique, dans laquelle la démarche de création était secondaire par rapport à la fonction, s’inscrivait dans un tout autre contexte, sur un tout autre terrain. Eno avait développé une application utilitariste, presque corporate, du genre (indépendamment des connotations négatives du terme), la plaçant dans le cadre d’une collaboration (réelle ou imaginaire) entre les créatifs et le monde des entreprises au sens large. Ainsi, par exemple, Music for Airports est sa proposition de réaliser, ou de remplacer lorsqu’il existait, le choix musical des aéroports (généralement des versions fades, lénifiantes, de morceaux connus, sélectionnées par les services gérant les bâtiments), par des pièces taillées sur mesure, remplissant la même fonction lénifiante et rassurante mais réalisées par des spécialistes (les musiciens, les artistes). L’ambient music des années 1990, en revanche, se destine exclusivement à une consommation hédoniste, elle vise le délassement, l’évasion, avant tout. Elle se constitue en partie en marge de la musique de danse, dans les salles de chill-out des discothèques et des festivals, dans des salles de relaxation installées à l’écart du bruit et de l’agitation des pistes principales. On s’y repose entre deux sets, après l’effort, dans une atmosphère paisible, bercé par un choix alternant musique planante (ancienne et nouvelle) et enregistrements de la nature.

Alex Patterson sera un des premiers DJ à proposer des sets chill-out durant les soirées Land of Oz organisées par Paul Oakenfold dans le superclub Heaven de Londres. Il y collaborera entre autres avec Jimmy Cauty, cofondateur des KLF avec Bill Drummond. Cette association jettera les bases de ce qui deviendra le premier album de The Orb, avec le remplacement de Jimmy Cauty par Youth (bassiste de Killing Joke). Cet album, The Orb’s Adventures Beyond the Ultraworld, poursuivait la formule déjà éprouvée et rodée dans les mix chill-out et en reprenait les ingrédients : des collages associant plages électroniques, sons de la nature, samples de voix, et une inspiration céleste, cosmique. Cette inspiration, cherchant l’évasion dans la rêverie, ou un évanouissement dans la grandeur incommensurable de l’univers, sera une constante pour The Orb comme pour beaucoup d’autres musiciens ambient. Mélange de cyberculture light, de philosophie new age et de l’optimisme space-age de la génération post-Apollo (les membres du groupe sont légèrement plus âgés que leur public, Patterson est né en 1959, Youth en 1960, Cauty en 1956), elle se traduira à la fois par une musique flottante, planante, et par des samples de son et de voix évoquant l’exploration spatiale, la science-fiction, le ciel. Aussi bien empruntés à la télévision (extraits notamment de For All Mankind, un documentaire sur les différentes missions Apollo dont Brian Eno a signé la musique), au cinéma (Flash Gordon ou Dr Folamour) qu’à d’autres artistes (Ennio Morricone, Steve Reich, Gregorio Allegri ou les Sex Pistols), ces samples sont empilés en des collages denses accompagnés d’une structure rythmique ralentie et minimale qui sert d’ossature au morceau. L’album s’ouvre sur une plage utilisant la voix de Rickie Lee Jones, racontant son émerveillement de petite fille pour les nuages au-dessus de l’Arizona de son enfance (« Little Fluffy Clouds ») pour se terminer sur une très longue plage intitulée « A Huge Ever Growing Pulsating Brain That Rules from the Centre of the Ultraworld », une improvisation de 19’ alternant vagues de synthétiseurs et sons de la nature. Cette approche musicale, comparable aux albums concepts de la génération précédente, les relie sciemment aux disques de Pink Floyd, dont ils sont des admirateurs avoués (et auquel la pochette du disque fait elle aussi référence, utilisant une photo de la Battersea Power Station, qui figurait sur l’album Animals). Malgré la longueur des morceaux, et leur relative absence de rythme, ce double disque se classera numéro un des ventes en 1992. D’aucuns critiqueront toutefois le caractère insouciant, escapiste, un peu hippie de cette musique ambient, et son aspect superficiel, apolitique. Ce à quoi Alex Patterson répondra : « Notre musique n’est pas un reflet de notre temps, elle l’ignore superbement. »

 

Benoit Deuxant

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