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Pointculture_cms | critique

FIRST ORIGINAL SILENCE (THE)

publié le

À ma gauche, pour les jazzmen, le souffleur et saxophoniste insatiable Mats Gustafsson et le batteur Paal Nilssen-Love. À ma droite pour le rock,

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À ma gauche, pour les jazzmen, le souffleur et saxophoniste insatiable Mats Gustafsson et le batteur Paal Nilssen-Love. À ma droite pour le rock,

Thurston Moore (guitare) et Jim O’Rourke (interventions électroniques) de la galaxie Sonic Youth (le second ne faisant plus partie du noyau dur du groupe new-yorkais), Terrie EX de The Ex (guitare). Et au centre, Massimo Pupillo (basse) de Zu!

Ce disque, vrai live (mais où toutes les manifestations du public ont été soigneusement effacées) enregistré en Italie en 2005 et probablement premier d’une série qui ne devrait pas tarder à s’étoffer, n’est ni un recueil d’improvisation de plus (car ici aussi les doublons et scories abondent), ni une joute organisée dans le but de tracer quelques autres lignes de convergence entre «des genres» qui depuis des lunes, ont l’habitude de se rencontrer, voire de se confondre dans les marges. Tous les acteurs «rock» de cet album peuvent témoigner d’une belle expertise dans le champ (expérimental) improvisé et il ne serait guère étonnant qu’Original Silence trouve grâce auprès des publics que le bruitisme agite sous toutes ses formes.

L’entrée en matière de ce disque formé de deux plages inégales (l’une fait 14minutes et l’autre plus de trois quarts d’heure) est exemplaire; une course-poursuite entre la basse éléphantesque et fébrile de Pupillo et les coups de saxo-cisaille de Gustafsson, avant l’intervention relativement discrète, mais enveloppante, des guitares et un premier ressac vers les trois minutes, alors que les appoints électroniques d’O’Rourke viennent d’entrer en action à l’arrière-plan. Le flux tendu de notes reprend de plus belle, se cabre, se tord, se tend à nouveau puis feint de se déliter quand un instrument fait mine de sortir du champ de l’audition avant de revenir dans le jeu en s’agrippant à cette basse triturée autant que malmenée par les entrailles et sur laquelle le jeu peu démonstratif, mais essentiel, de Nilssen-Love vient s’appuyer. Vers les dix minutes, « If Light Has No Shage, Time Has No Shadow » (titre de morceau) amorce un lent faux plat, toujours tracté par cette basse traçante, vers sa conclusion qui présente quelques mimétismes avec le film des derniers spasmes qui traversent un organisme à l’origine recouvert d’écailles dans son processus (accéléré) de décomposition.

La suite (« In The Name of The Law ») tient d’une certaine logique de la tension (haute puis basse et ainsi de suite). Les corpuscules sonores créés conjointement par O’Rourke et la paire de guitaristes paraissent ré-assembler ou faire remonter les embryons sonores à la surface, recréant la lente effervescence gagnant une fourmilière à la fin de l’hiver. De manière tacite au début, de façon insistante ensuite, Gustafsson se met à édifier sa « colonne de souffle » autour de laquelle vont s’articuler guitares/brouillages électroniques et enfin basse. Le roulis est par la suite continu, ponctué d’allers et venues du saxo qui, sans jamais faire mine de se poster à l’avant-plan et cantonner ses interventions à de tonitruantes saccades, tient tout le maillage sonore en place. Peu audible jusque là (les 12 minutes initiales), la basse se réinstalle dans ses prérogatives fondatrices, fait mine de se crêper les cordes avec Gustafsson et Paal Nilssen-Love, puis lève le camp, alors que résonne à l’horizon une succession de dialogues houleux, mais constructifs, entre chacun des protagonistes. Les guitaristes s’en tenant toutefois à un rôle, secondaire mais essentiel, de renforcement de la tessiture sonore.

En son milieu, le morceau traverse à nouveau une période de calme fébrile, parcouru de mouvements de gargouillis electro-organiques (machines + guitares + frappes de batterie) mystérieux. Ensuite s’amorce une lente mais constante remontée en puissance dont Gustafsson (peu présent à ces moments) donne le signal d’envoi de quelques tourbillonnantes stridences. Mais curieusement, Original Silence entame sa décrue et prend le chemin du retour au calme par des sentiers détournés aux reliefs contrastés, mais assez doux, plutôt que l’ascension ou le franchissement d’un ultime sommet d’intensité sonore. Un « pitch » final joliment négocié…

Yannick Hustache

 

 

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