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Pointculture_cms | critique

LIVANDI OYDA

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Si en soi, l’idée d’un groupe s’inscrivant délibérément dans une logique de recyclage post industrielle n’est guère neuve et que les Iles Féroé ont déjà, aux oreilles de certains, une existence musicale propre, Orka passe outre l’exotisme nordique […]

Si en soi, l’idée d’un groupe s’inscrivant délibérément dans une logique de recyclage post industrielle n’est guère neuve et que les Iles Féroé ont déjà, aux oreilles de certains, une existence musicale propre, Orka passe outre l’exotisme nordique très en vogue à l’heure actuelle, et la tentation d’un revival pour musiques concassées et agrégatives pour s’avancer (presque) à terrain découvert. Et vu les lieux du drame, ça ne peut être qu’en front d’une mer… démontée !

En fouinant un peu, on peut dénicher dans les collections de la Médiathèque une douzaine de références qui ont trait au folklore musical des Iles Féroé. A l’échelle de l’immense patrimoine regroupé sous l’étiquette passe-partout de Musiques du Monde, c’est peu, mais ramené aux réalités géographiques et démographiques de l’archipel, c’est loin d’être négligeable. C’est que ce groupe d’Iles de l’Atlantique Nord, ballotté en permanence par les vents, quasi-équidistant de l’Ecosse, de la Norvège et de l’Islande, peuplé d’un peu moins de 50.000 âmes et relevant de la couronne danoise mais jouissant d’une autonomie politique propre est (un peu) plus connu des amateurs de destinations nordiques ou des quelques rares praticiens du hors-piste touristique que des inconditionnels de la hype (la patrie de Bjork est quand même à un bras d’océan de là).

orkaC’est pourtant là-bas que le label français Ici d’ailleurs (Yann Tiersen, Nonstop) est allé dénicher cette formation au nom (à nouveau) emprunté à un vilain de la Marvel Comics et drivée par le dénommé Jens. L. Thomsen, qui redonne une seconde vie aux bouteilles plastique usagées, fûts à pétrole mangés par la corrosion, tubes plastique, piquets de (?) clôture et d’une foule de vestiges d’outils et d’objets les plus divers, transformés/recyclés pour l’occasion en bric-à-brac instrumental mais hautement technologique (il y a des micros nichés partout), au service d’un rock industriel à la fois archaïque, artisanal et surtout insulaire voire campagnard. Sur le bonus DVD inclus dans « Livandi Oyõa » on a, au travers des images d’une mini performance donnée dans une grange (suivie d’un making of du matériel et des techniques utilisés), un excellent aperçu et résumé de la musique d’Orka, finalement plus bricolée et intuitive que fruit d’une lente réflexion esthétique et politique. Si les références aux exactions paroxystiques des débuts d’Einsturzende Neubauten ne font aucun doute – certains, moins heureux, trouveront peut être quelque analogie avec le tribalisme gentillet pour fûts lisses et creux des Tambours du Bronx – il ne faut pas chercher dans « Livandi Oyõa » la plus petite trace d’un manifeste philosophico-musical mais plutôt une très ingénieuse mise en application du principe qui soutient que tout son est musique et rappelle au passage que l’uniformité et l’ennui sont deux jolis synonymes. Dans ce disque, on entend plus régulièrement des chansons respectant une architecture traditionnelle (couplets/refrains…), entonnées dans une langue nordique qui possède sa propre part d’étrangeté (le féroïen, entre le danois et l’islandais), et taillées dans des matériaux bruts dont on a eu la sagesse de ne pas réduire ou polir le grain d’origine, qu’on assiste effectivement à de sournois pugilats hommes/machines aux lisières du chaos.

Placées après un titre introductif (« Tu-vas ») qui ressemble à une ultime vérification des dispositifs en place, « Leslie Plumbing » et « Vindaloo » sont deux mélodies que l’on verrait bien rejouées avec guitares, flûtes et tambourins autour d’un grand feu de la Saint-Jean ! Et « Partched » avec ses chœurs virils et son clavier fait main, ainsi que « Rent-A-Bird » et sa scie artisanale ont l'air de mini symphonies hantées, réalisées dans un atelier exclusivement réservé à de vieux garçons.

Reste que l’optique chanson a aussi ses limites et que les zébrures dissonantes et électroniquement assistées de « Difftones », se pointant bien au-delà du mitan de l’album, nous font un peu regretter le trop sage parti pris de cette baleine (Orka = orque) un tantinet pataude. Car non seulement il faut attendre les ultimes minutes du fourre-tout « Lampingong » (20 minutes au compteur) pour qu’Orka soumette enfin son barda à un presque jouissif (puisque trop court) test de résistance, mais les meilleurs moments de « Livandi Oyõa » relèvent résolument du volet collaboration(s). 5 au total.

Et dans celles-ci, le flow d’Oktopus (« Styro Gyro ») déporte les Féroïens bien à l’Ouest, non loin des vapeurs polluées de Dälek tandis que les grésillements (« Orka Pook ») et mandolines digitalisées (« Not Yet ») de Matt Elliott font prendre à ce folk de chantier naval une nouvelle direction. A l’Est toute !

Les voyages forment décidemment  la jeunesse...

Yannick Hustache

PS : le DVD contient aussi deux clips qui valent le détour

 

 

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