GUERRE DES MONDES (LA)
Depuis sa création, la Médiathèque ne vous fait pas seulement découvrir de nouvelles voix, délaissées souvent par les loisdu commerce, elle constitue aussi un fond d’archives qui, tant dans le
milieu du cinéma que de la musique, aspire farouchement à une autre culture, un autre regard sur le monde.
Mais c’est de radio que nous allons parler ici. Orson Welles, homme multiple (acteur, metteur en scène, réalisateur, metteur en onde, etc.) marquera l’histoire du cinéma avec, entre autres, Citizen Kane (VC4232). Comme pour la plupart des acteurs d’alors (nous sommes en 1938), le théâtre et la radio constituent des alternatives à la « machine cinéma », plus rentable et plus valorisante mais plus difficile d’accès.
À l’époque, Orson Welles produit hebdomadairement une fiction radiophonique, généralement adaptée d’un roman.
Celle-ci, basée sur le roman de science-fiction d’ H. G. Wells, mérite toute notre attention à plusieurs égards.
D’un point de vue historique, elle marque la première manipulation massive par une nouvelle forme de média. En effet, narrant avec brio et réalisme l’arrivée des Martiens dans le New Jersey, elle a mis, lors de sa diffusion sur les ondes, toute l’Amérique crédule sens dessus dessous. La population américaine, prise d’un accès de panique, crut à la véracité des faits narrés !
Voilà l’histoire, mais allons plus loin, prêtonsune oreille attentive à l’œuvre proprement dite.
Plus personne, à l’écoute de ce disque, ne croira à l’arrivée des extraterrestres sur le sol américain, mais c’est plus à cause de l’évolution des connaissances et des moyens de communication (aujourd’hui, la radio pèse peu dans la balance face à la télévision, les sons pèsent peu face aux images) que de la pièce radiophonique elle-même. On est bluffé par la qualité de la mise en scène, les subtilités de ton, de jeu et les trouvailles sonores.
Pour ce qui est de l’effet que cette création fit sur la population américaine, Orson Welles et ses acolytes en furent les premiers surpris. Leur volonté était de produire une émission divertissante et réussie, dans la lignée de celles qu’ils avaient réalisées auparavant. L’impact de La guerre des mondes leur a complètement échappé.
Voilà pourquoi ce document nous est aussi précieux aujourd’hui, septante ans plus tard.
C’est qu’il pose, involontairement, un constat, un avertissement quant au rôle des médias et à leur puissance. Il rejoint en cela des réalisateurs plus contemporains comme Peter Watkins (VX1893, VC6711,…) qui, au sein de leurs œuvres, analysent la société de communication dans laquelle nous vivons.
Ce document contient déjà toutes les recettes dont nous sommes victimes aujourd’hui (jeu avec l’émotionnel de l’auditeur, faux « vrais » témoignages, …).
Il est une grande leçon, un passage obligé pour celles et ceux qui ont décidé d’appréhender les médias d’une manière civique et réfléchie.
MC