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Pointculture_cms | critique

HELLÉNIQUE CHEVALERESQUE RÉCITAL

publié le

Patton : "Héllénique chevaleresque récital" PATTON, MOTEUR TROIS TEMPS

 

1- Temps long : le temps de la gestation
« Hellénique chevaleresque récital » est la troisième sortie discographique à part entière de Max et Sam Bodson. Leur précédent disque (alors en trio avec Philippe Koeune à la basse) « JR for 'jaune-rouge' » datait de l'an 2000. Au cours de ces huit ans, les deux frères n'ont jamais ni dissous ni reformé leur groupe; ils ont juste pris le temps de mûrir, d'avoir quelque chose d'important à faire entendre et de retrouver la fièvre de la nécessité impérieuse. Le rythme de travail peut paraître lent à certains. On est loin du balancier bien calibré (nouveau disque / tournée / nouveau disque / tournée / dvd live de la tournée / faux split / fausse reformation…) qui fait tourner les engrenages bien huilés de la consommation musicale en flux tendus. On est plus près de la pulsation créative lente de quelques grands artisans singuliers tels que Robert Wyatt, Scott Walker, Jean-François Stévenin ou Jacques Rozier: un album tous les six ans, un long métrage tous les dix ans… Loin de stagner, au cours de cette quasi décennie, Patton a mué, découvert de nouvelles sources d'excitation dans la musique des autres (« John Fahey ou AC/DC notamment » ont-ils raconté au Soir, explicitant ainsi la présence d'un « fan d'AC/DC » à la fin du texte du morceau Avalanche), resserré le personnel du groupe autour de leur fratrie, déplacé le centre de gravité sonore de leur instrumentarium de l'électrique/amplifié vers plus d'acoustique et d'électronique sans oublier, enfin, de frénétiquement agiter un cocktail de mots français et anglais dans leur shaker textuel. Ce dernier point, nous amène au constat qu'une partie des transformations ayant amené au nouveau disque est à aller chercher encore plus profondément dans le temps et se trouve déjà en germe dans « JR » puisque – certes de manière timide et encore séparée de l'anglais – on y voyait poindre le français avec La Charge. En poussant le bouchon encore un rien plus loin, une partie de ce que Patton est aujourd'hui vient sans doute des disques qu'adolescents ils empruntaient au Discobus à Virton – ou, dans la famille de musiciens qui est la leur, des expérimentations électroniques que leur grand-père pianiste enregistrait en catimini, pour son propre plaisir, quand sa femme, leur grand-mère, était partie…

 

2- Temps court et discontinu : le temps de l'écoute
Pour l'auditeur, l'écoute des quarante et une minutes de l'album se passe bien évidemment à une autre échelle temporelle. Mais pas juste pour la raison un peu bébête que quarante minutes c'est cent et cinq mille fois plus court que huit années… Plutôt aussi parce que l'écoulement du temps au long de cet album – et, même, au fil des neuf plages qui le constituent – est tout sauf linéaire. Comme ces baraques de foire aux miroirs trompeurs auxquels on se cogne ou aux sols mouvants et mécanisés qui nous font chanceler, « Hellénique chevaleresque récital » propose un monde parallèle plein de surprises, de faux plis, de trappes, de portes dérobées, de trompe l'œil - et de trompe l'oreille. Ruptures rythmiques, collisions français/anglais, feux de Bengale poétiques (des mots qui fusent, éclatent et s'affranchissent de la gravité), contrastes entre le «piqué» des cordes pincées et le diffus de certaines nappes sonores: tous ces éléments contribuent à faire de ce disque pop une sorte de sculpture sonore tridimensionnelle - comme un mobile - qui régulièrement se réagence pour se présenter à nous sous des angles inédits. Dans cet ordre d'idée, le travail sur la profondeur de champ (la mise en espace des couches sonores successives, de l'avant-plan à l'arrière-plan) est particulièrement convaincant. Il aurait été malheureux qu'adoubé du qualificatif de «chevaleresque» ce disque se révèle plat, terne ou monotone. Heureusement, on en est ici bien loin.

 

3- Le concert ou le temps de l'incarnation et de la confirmation
Pour tous les auditeurs - tant pour infléchir le doute des sceptiques que pour vriller plus profondément les radicelles dans le terreau sensible des déjà réceptifs - voir Patton en concert est un excellent complément à l'écoute du disque. Tout ce qu'on pouvait craindre être un peu trop conceptuel ou esthétisant se révèle bel et bien vivant et incarné. Au milieu de leur impressionnant attirail sonore (batterie, micros, machines, électronique, pédales) la musique soi-disant cérébrale de Max et Sam engage presque tout leur corps (voix, souffle, pieds, doigts). Malgré la complexité de leur dispositif instrumental de Remy Brickas de la néo-folk oblique et au-delà de l'enchevêtrement structurel de leurs compositions, leurs chansons se tiennent là devant nous comme quelque chose d'organique et de vibrant.

>sur notre site playlist et entretien avec les frères Max et Sam Bodson

Philippe Delvosalle

 

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