Un alto et un ténor parmi les plus remuants et les plus inventifs du moment célèbrent Louis Thomas Hardin alias Moondog alias le viking de la 6ème Avenue alias le clochard céleste dont le mouvement de création perpétuelle a arpenté le bitume new-yorkais pendant des éternités.

Dès les années 40, avec son casque de viking il se pose sur la rue et invente la street music alors que son bagage musical est  terriblement impressionnant: il fréquente Léonard Bernstein qui lui apprend à conduire un orchestre, mais aussi Toscanini, Charlie Parker ou Benny Goodman et il va devenir un des maîtres du contrepoint au XXème siècle (le contrepoint a pour objet la superposition organisée de lignes mélodiques distinctes).

Sa musique transcende les chapelles et traverse le savant et le populaire, il mêle la Renaissance au jazz à ce qu’ont imaginé les Indiens des plaines et aux rythmes caraïbes, il évoque les répétitifs sans en faire partie, d’ailleurs les trois papes du mouvement, Steve Reich, Philip Glass et Terry Riley l’intronisent ‘fondateur du minimalisme’. Il est admiré par tout le monde. Auteur d’un millier de pièces il crée un univers à part entière mais sa marginalité empêche tout travail d’édition digne de ce nom et son œuvre reste peu jouée et peu connue.

Sylvain Rifflet est un passeur dans le sens où il passe d’un monde à l’autre jusqu’à faire disparaître la notion de frontière et sa découverte de la musique du mendiant aveugle lui inspire une grande fable multimédia dont ce double disque (un cd et un dvd) restitue la trace.

Mouvement perpétuel, musique tourbillonnante, envoûtements cycliques, ça tourne et ça souffle, ça travaille aussi dans des formes de silence et on dirait que toute la musique du monde se trouve là. (DS)