SEUL AU PIANO
Pop star en son pays le Québec, Pierre Lapointe n’a cessé depuis ses débuts d’intriguer, dérouter et titiller un certain public de la chanson française qu’il pratique avec dérision, passion et provocation. Champion des situations de non-sens décrites avec un goût prononcé pour des rimes bien senties, Pierre Lapointe manipule la langue française avec un humour corrosif qui fait mouche à tous les coups, car son audace sans limites embrasse et inspecte toujours la contemporanéité. Facétieux, irrévérencieux et doté d’une imagination plus que débridée, il se joue des travers humains avec bonheur et goguenardise pour le plaisir d’une communication décalée, mais efficace qui ne laisse jamais personne indifférent.
Le public bruxellois l’avait découvert lors d’un concert qu’il partageait avec Renan Luce et Arman Méliès en décembre 2006 au Botanique. Depuis, les albums ont fait leur chemin et Pierre Lapointe a roulé sa bosse un peu partout dans la francophonie, repassant d’ailleurs bien souvent par Bruxelles au cours de ses tournées. Son dernier album Seul au piano reprend avec dépouillement l’essentiel de ses chansons. Certes il n’est pas le premier à s’accompagner tout seul devant un clavier, pensons à William Sheller et son album Sheller en solitaire, mais l’exercice est loin d’être facile pour un Pierre Lapointe, car notre homme possède un instrumentarium des plus variés pour illustrer la pleine étendue de son originalité. Réduire son matériau sonore à l’unique piano est donc une prouesse de simplicité, sorte de retour aux sources dans la genèse du processus créatif, qui lui convient tout aussi bien que les accompagnements auxquels il nous avait jusqu’ici habitués. Souvenons-nous de son album live avec l’Orchestre métropolitain du Grand Montréal dans lequel sa fantaisie et sa poésie se combinaient à la magnificence d’un orchestre symphonique au grand complet, néanmoins agrémenté de son piano !
Nous vous le disions, Pierre Lapointe déroute, mais il est toujours cohérent dans ses choix, ne laissant rien au hasard avec la modestie d’un élan contrôlé dans sa spontanéité. Dix ans de carrière, trois albums studio et déjà une pléthore de tubes parmi lesquels on retrouve les incontournables : « Au bar des suicidés », « 27-100 Rue des Partances », « Le Lion imberbe » et autres « Vertiges d’en haut » pour ne nommer que ceux-là, auxquels s’ajoutent quelques perles supplémentaires dont le nostalgique « Maman » ou encore « Moi, Elsie ».
Si les classiques parlent de récital voix-piano, les amateurs de chanson parleront sans doute bien volontiers d’ambiance intimiste, voire minimaliste pour cet album capté face à un public manifestement comblé ! Quinze titres et pas un seul d’inutile ! Ah si tous les gars du monde de la chanson en faisaient de même…
Noël Godts