COMBINATORIA
Pietro Grossi devait occuper pendant vingt ans (1936 à 1966) le poste de premier violoncelle au Maggio Musicale de Florence et, dès les années cinquante, s'intéresser fortement à la musique électronique au point qu'il finira par s'y consacrer entièrement. En 1963, il crée, au sein du conservatoire, le S2FM (Studio de Phonologie Musicale de Florence) qui s'inscrira parmi les premiers laboratoires de musique électronique d'Europe. La composition électronique lui permettait de rompre avec la tradition de l'oeuvre musicale perçue comme un tout achevé et d'appliquer son idéal de création à la fois collective et ouverte ; il sera d'ailleurs rejoint sur ce concept par Alvin Curran, Richard Teitelbaum et Frederic Rzewski qui, en 1966, formeront à Rome l'ensemble Musica Elettronica Viva.
Sa contribution à faire connaitre John Cage en Italie participait également de cette volonté d'introduire l'aléatoire dans le processus de composition et d'en finir avec la notion de création artistique intouchable. Si la possibilité du "mainstream " de la musique électronique devait être pour lui un des vecteurs privilégiés d'une création musicale participative, l'autonomie que promettait le " personal computer" dans les années quatre-vingt l'amena à étendre sa démarche aux arts graphiques et à développer le concept de " HomeArt " où le public est invité à sortir de son rôle passif et à manifester son potentiel créatif.
D'autre part, les méthodes électroniques et numériques conjuguées au principe d'œuvre ouverte et de liberté créatrice sauront combler l'attrait de Pietro Grossi pour la perfection formelle et lui permettre de faire le pont entre l'héritage du passé et une perspective future débarrassée de toute entrave ; la récurrence de pièces de Jean-Sébastien Bach au sein de ce double album n'a certainement rien de fortuit si l'on considère les efforts du label italien pour s'accorder avec la démarche et l'esprit des créateurs ; le premier CD insistera davantage sur le travail collectif en présentant des compositeurs ayant collaboré au S2FM. comme Vittorio Gelmetti, Riccardo Andreoni, Albert Mayr, Aurelio Peruzzi et même des créations provenant d'autres studios de musique électronique de la même époque comme le SMET (Studio de Musique Electronique de Turin), fondé par Enore Zaffiri, et le NPS (Nuove Proposte Sonore), créé à Padoue par Teresa Rampazzi. Le second CD sera, par contre, entièrement consacré à des oeuvres que Pietro Grossi réalisa sur des logiciels informatiques de la première heure.
Cette compilation de 24 pièces qui furent entre 1970 et 1980 sur des générations d'équipements différents (DCMP, PLAY 1800 , TAUMUS , IROE IRMUS) est présentée comme un méga-rondo et s'inspire du principe de permutation souvent appliqué par le compositeur. L'auditeur est d'ailleurs expressément invité à utiliser la fonction " shuffle " du lecteur.
Jacques Ledune