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Pointculture_cms | critique

REMERLE

publié le par Guillaume Duthoit

Si on a dû attendre cinq ans pour le retrouver sur nos platines, le Merle du Saule ne s’est pas moqué de nous. Il signe là son plus beau retour, à l’inspiration intacte et délicate.

Sommaire

Entrée en douceur avec les très annegarniens « Carreaux tremblent » et « Grand cerf » qui ne sont pas sans rappeler l’ambiance intimiste et dépouillée de Vert indolent (2010).  Ceci dit, l’ai de rien, ce cerf « vidé » nous emmène déjà quelque peu ailleurs grâce à un intermède joué à l’orgue (qu’on jurerait de « barbarie » !) par Matthieu Ferrandez, ainsi qu’à la question chantée par la consœur saulienne Léonore Boulanger, plus nonchalante que jamais. Une grande partie de la faune du Saule est d’ailleurs bien présente tout le long de l’album: Jean-Daniel Botta (contrebasse, gembri, flûtes, harmonium, bouzouki) et Laurent Sériés (percussions, zarb, doudouk, flûte, vahlia) en tête, mais aussi Marion Cousin et Borja Flames de June et Jim (aux chœurs entre autre), Philippe Crab (guitare) et Antoine Loyer (bouzouki, balafon). Des interventions toujours justes et jamais envahissantes qui font de ce disque fait maison, un digne successeur des meilleurs Areski/Fontaine des années 70. 

Parmi les douze perles de Remerle, trois chansons tiennent une place particulière, en ce sens qu’elles font l’expérience de la mise en musique de textes en prose, plus précisément de vielles lettres glanées sur les marchés : une carte postale au style télégraphique, une longue lettre où une dame relate à un ami docteur une balade éprouvante sur le Mont-Blanc et un témoignage épistolaire d’un américain qui exprime ses peines et ses espoirs un peu avant la fin de la guerre 40-45. Trois exercices très différents, réussis de main de maître, emportant la chanson là où on aimerait la voir plus souvent, loin des structures se reposant sur les sempiternelles couplet/refrain/couplet/refrain …

Chaque chanson possède sa magie et sa surprise sonore. Penchons-nous encore sur trois d’entre elles qui me hantent un peu plus aujourd’hui : « Appeaux et appâts » et ses subtiles allitérations, son chœur et ses flûtes délicieusement dissonantes, « Les gestes inutiles », blues atypique au rythme lancinant dont la mélodie et le texte touchent au plus profond, et « La conversation », ballade énigmatique folk et baroque des plus entêtantes. Enfin, pointons la reprise de « 80 A.B. » de Pierre Barouh, sautillante et légère sous une pluie fraîche de cordes en tous genres, qui apporte un peu de peps dans ce répertoire restant, il faut l’avouer, toujours très calme, très posé, même dans ses titres les plus enlevés.

Que ce soit au niveau des paroles, des mélodies ou des arrangements, les chansons d’Aurélien sont nécessaires, car elles ont le pouvoir de nourrir nos âmes et de les hisser loin des platitudes qui envahissent les ondes. Un des tout grands disques de 2015.

Guillaume Duthoit

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