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Pointculture_cms | critique

PRIMARY / CRISIS

publié le

THE INSIDERS

 

 

 

 

 

 

THE INSIDERS

Deux documentaires (d’époque), dont un double, qui se glissent, à divers moments-clés, dans les coulisses de quelques acteurs majeurs des sixties. Saisissant !

En 1960, disposant pour la première fois d’une caméra portable avec prise de son synchronisée, Robert Drew et sa petite bande (Richard Leacock, Terrence McCartney Filgate, Albert Maysles & D.A. Pennebaker…) suivent pas à pas la course à l’investiture démocrate dans l'état du Wisconsin de deux candidats aussi éloignés que possible, Hubert Humphrey et John F.Kennedy. Trois années plus tard et ce dernier installé à la Maison Blanche, la même équipe se faufile au cœur du conflit opposant Robert Kennedy, Ministre de la Justice (frère de…) et le Gouverneur George Wallace qui refuse, malgré une décision judiciaire fédérale, l’accès et l’admission de deux étudiants noirs à l'université « blanche » de l’Alabama.
Appartenant tous deux au même Parti Démocrate, tout semble cependant séparer H.H. de JFK, antinomiques pôles d'une double trajectoire politique convergeant vers un but commun (l'investiture) et dont quelques étapes cruciales sont consignées dans une première partie appelée « Primary ». Opposition de style; populisme bon teint et racolage actif pour Humphrey (« je pense comme vous » est sa maxime favorite), subtil dosage de séduction glamour savamment mise en scène et de sérieux visant à dresser profil d'homme responsable pour Kennedy. L'un bat la campagne et rencontre ses électeurs partout où il en a l'occasion et dans des lieux les plus improbables, tandis que l'autre fait de chaque meeting huilé comme une mécanique de précision, le théâtre d'une célébration aux allures paroxystiques. Humphrey tente de rassurer et de se poser en garant d'un passé qui se perpétue là où Kennedy parle de défis futurs à relever. Mais plus fondamentalement, le candidat junior, bien en phase avec son époque, sait parfaitement que le sort de la bataille se décide au niveau des images et quelles ressources il peut tirer de son charisme naturel lié à son physique de jeune premier et de l'idyllique couple qu'il forme avec sa femme Jackie. Si Humphrey l'a emporté dans les zones rurales, Kennedy doit sa victoire aux citadins, aux minorités et… aux femmes.
Drew se fait discret au point de se faire totalement oublier, mais ne perd pas une miette de la nature des enjeux et de la tension sous-jacente qu'il restitue avec force et moult détails, rendant le docu-fiction presque obsolète avant même sa formalisation et sa généralisation.
Plus haletant encore (et un traitement supérieur dans la qualité des images restituées) est « Crisis » qui donne à voir, comme rarement, la complexe et subtile mécanique d'un processus de prise de décision dans un lieu qui incarne à lui seul tous les fantasmes liés au pouvoir - le bureau ovale du Président des États-Unis - et la palette des moyens à disposition. La Fratrie Kennedy se révèle fine tacticienne et reste consciente des risques (ne pas s'aliéner l'électorat démocrate du Sud des USA), mais demeure inflexible sur l'objectif à atteindre : l'égalité raciale dans les faits. Filtrent aussi quelques bien imprudentes considérations politiciennes qui ont trait aux enjeux de l'époque (Cuba, la guerre froide), mais Drew se colle évidemment aux acteurs sur le terrain. Un souple chassé-croisé entre les deux étudiants, déterminés mais aussi un peu apeurés et leurs avocats, secondés par les conseillers du Ministère de la Justice d'un côté et un Gouverneur forte tête qui juge la ségrégation « naturelle » de l'autre. « Si loin et si proche » aurait conclu Wim Wenders !
Collaborateur de Drew, D.A. Pennebaker file, en 1965, la trace d'un Bob Dylan dans l'ultime périple anglais précédant sa mue électrique révolutionnaire. « Don't Look Back » débute par le premier clip de l'histoire musicale (« Subterranean Homesick Blues ») et son très involontaire karaoké bricolé et tente de s'approcher au plus près de la vérité d'un génie musical véritable au travail. Trois semaines à affronter seul un public pas encore acquis à sa cause, armé de sa guitare acoustique et de son harmonica. Confiant dans son dispositif, Pennebaker tente, par un jeu de resserrement/distanciation avec son sujet d'aller au-delà des ambiguïtés d'un personnage cultivant le flou, tour à tour séducteur, suffisant, prévenant, fragile, distant, parfois cruel, et étonnement lucide (de ses choix musicaux, du grand cirque rock & roll encore à ses balbutiements), mais échoue partiellement dans sa tentative de désopacifier l'icône Dylan. Dans la foulée, il dépeint l'outrecuidance mercantile de son manager, Albert Grossman, l'innocence touchante de Joan Baez et la sidérante vacuité de Donovan qui n'a d'égale que celle d'une presse britonne déjà marchande de courants d'air.

Yannick Hustache

 

 

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