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Pointculture_cms | critique

RADIO EXPERIMENT ROME, FEBRUARY 1981

publié le

C’est un musicien polymorphe sans restriction, né en 1945, et dont les années de formation explorent les confluences de la peinture, de la littérature et de toutes les formes plastiques d’engagement politique-artistique. Une figure devenue mythique […]

C’est un musicien polymorphe sans restriction, né en 1945, et dont les années de formation explorent les confluences de la peinture, de la littérature et de toutes les formes plastiques d’engagement politique-artistique. Une figure devenue mythique sans avoir pratiqué la concession. Avec Soft Machine ((1966) et ensuite Matching Mole, le laboratoire musical à la Wyatt fait doucement imploser les genres, entre le rock et le jazz, l’improvisation et la composition, l’expérimental et la mélodie primale. Il devient incontournable dans l’histoire des musiques actuelles. Quel vent de liberté, étrange, dérangeant et exaltant cela représentait-il pour ceux qui découvraient ça à l’époque !

Suite à son accident en 1973 et à la paralysie qui en découle, il se dédie à une carrière solo et publie en 1974 ce qui deviendra une pierre angulaire de la culture rock, un classique : « Rock Bottom ». Enfin, travailler seul est une façon de parler : Robert Wyatt, formidable singulier, a toujours travaillé avec les autres. S’il ne fonctionne plus à l’intérieur de ce qu’on appelle « groupe de musique », c’est pour mieux élargir le cercle des échanges. En effet, il multiplie les collaborations, les rencontres, tisse un véritable réseau d’affinités créatives où s’élaborent et circulent les idées nouvelles.

rwEn 1981, la RAI qui consacrait à l’époque une émission pour expliquer et promouvoir les musiques nouvelles (« Un certo discorso »), l’invite en résidence radiophonique d’une semaine pour créer une œuvre nouvelle qui soit aussi une sorte de discours sur la méthode Wyatt. Il hésite, méfiant quant au résultat, stressé face au défi (on ne donne pas rendez-vous à l’inspiration). Néanmoins, il accepte et c’est le résultat de cette expérience qui est enfin édité en CD. Enfermé dans le studio de la RAI, ce ne sont pas seulement de nouvelles œuvres que Robert Wyatt compose, mais des versions improvisées, impromptues de morceaux déjà écrits ou des exercices de création à partir de ce qui existe déjà. Il révèle ainsi comment ses musiques, ses textes et ses mélodies si particulières, vivent en lui, toujours en mouvement, toujours vives et en train de fixer de nouvelles formes, comme des manières de penser. Seul, avec peu de moyens, il explore la relation intime avec ses chansons, matières familières ressassées qu’il tracasse et ressasse pour y introduire des ruptures à partir de quoi des idées fusent comme de nulle part, évidentes, clairvoyantes. C’est à la fois très élaboré et d’une apparente limpidité exemplaire. Il donne à plusieurs de ses morceaux la facture de nouvelles radiophoniques, mêlant plusieurs niveaux de sa voix enregistrée, bruitant des rythmes ou des objets sonores, racontant, commentant, décrivant, mimant et tressant de multiples strates de discours d’où s’échappent de superbes phrases chantées, serties dans ce style unique de haute-contre visionnaire. Cris modulés. La voix imite plusieurs instruments « primitifs » proches du parlé humain, les mains tapent ou perlent un clavier, des percussions sommaires entrent dans la danse, la guimbarde charpente une reprise de « Heathens have no souls » entourée de lambeaux de chants fantomatiques, synthétisés. Robert Wyatt exprime d’un même mouvement naturel, la complexité du monde, un regard politique sur la société et l’appel d’une poésie inaccessible où régénérer, en l’oubliant un peu, sa lucidité. A la fois musique de combat et musique de mélancolie. Action et paralysie. L’Internationale passe par là, déformée, diffractée, entendue comme au fond de l’eau, ne subsistent qu’un rythme où s’accrocher et quelques clameurs individuelles éperdues, sans protection, sans direction. Une appropriation, l’Internationale devient un hymne qui se réinvente.

C’est un enregistrement qui introduit au cœur de la musique de Robert Wyatt, en fait entendre ses propriétés attachantes mais qui relève d’une sorte de documentaire sur les mécanismes et agencements qui forment et font émerger cette musique. Avant tout musique intérieure, préexistant à tout enregistrement, à toute diffusion publique, à toute exploitation. A ce titre, ce CD intéressera surtout les fans. Sauf que, dans ce processus d’improvisation, quelque chose d’immense et de libre se met à ruisseler et pétiller, c’est tellement rare, ça s’oublie ou ça peut ne jamais sortir au grand jour, préférer rester secret. Difficile de rester insensible à cette authenticité en toute simplicité. C’était en 1981.

PH

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