SACREBLEU
Sa première expérience au club Mocambo de Saint-Germain-des-Prés lui laisse l’impression d’être prisonnier du genre à diffuser. Il se tourne vers la radio, qui lui offre des possibilités plus créatives. Ses premiers morceaux intègrent des samples de Daho, Julien Clerc, Sugarhill Gang et autre Grandmaster Flash. Il développe ses talents de mix avec peu de moyens, initie Maître Smicky (de son vrai nom Éric Calixte), fait tourner ses platines sur les ondes puis met un arrêt brutal à ses sessions hertziennes en 1994. Après trois ans d’interruption, Dimitri sort un premier album sous le label Yellow Productions : Sacrebleu.
Il découvre le son post-disco de New York, dont le côté « droit au but » lui plaît particulièrement. Il se dirige vers l’indie, les majors ne parvenant à intégrer à leur catalogue ce premier opus de la French Touch. Il part à la rencontre de Bob Sinclar avec, sous les bras, une playlist à faire écouter, tous titres dont il est déjà propriétaire. Les ventes décollent aux States, au Royaume-Uni, au Japon. Ce disque est étonnant et détonnant par sa diversité, c’est un album précurseur. Sa proposition de house, envisagée comme une nouvelle forme de disco, mélange influences jazzy, bandes originales de film, samba. Outre-Atlantique, Sacrebleu, bardé de ses clichés de séduction française et de son emballage easy listening, se déguste tel un repas gastronomique. En première partie, le chic de Blake Edwards, l’exotisme, l’exaltation de la futilité du moment envahissent les auditeurs. Le single « Sacré Français », dans une samba sensuelle, démontre à souhait l’art du musicien, un groove juste, coupé fort à propos par des sons vintages. « Rêveries » et « Dirty Larry », en reprises lounge, mettent en exergue un hommage teinté de particularisme et de pastiche de ses références au septième art. La superposition des samples offrent une entrée de première qualité. En plat de résistance, on reste dans le gastronomique. Les arrangements house tirent un peu sur la longueur, mais tiennent à merveille les promesses du menu. On y retrouve un choix de morceaux conceptuels destinés aux clubs, une invitation à l’apprentissage du rythme et de la cadence. « Le Moogy Reggae » part au pas cadencé sur le mode ska, un « One Step Beyond » revisité, plus orchestral, et mélange en couches superposées du cha-cha-cha, du mambo. « Un World Mysteriouse » s’envole vers l’Orient, le refrain de base emprunte au disco et met en évidence les origines du créateur, sur les rives du Bosphore. « Par Un Chemin Différent » nappe le dessert dans un écrin sucré-salé, offre une pause nonchalante de jazz dans cet univers électro, et n’est pas sans rappeler St Germain. La fin de la partition s’étire dans « Épilogue », la quintessence du savoir-faire réuni en 9’19’’, violons et voix suaves, martelés par les beats, qui universalisent la méthode Dimitri de kaléidoscope musical. Sacrebleu, par son élégance, a marqué de son empreinte les premiers pas de la house lounge made in France, et reste un grand classique dans ses atours classieux et sa variété de conception.
Yaan ONGENAERT