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Pointculture_cms | critique

EGYPTIAN JAZZ

publié le

On peut aisément imaginer le début de l’histoire de cet album un soir de décembre 1966 au Caire. Trois musiciens se rencontrent autour d’une table lors de la réception qui suit un concert du Randy Western Sextet. Il semblerait que ce soit Salah Ragab, […]

 

 

salah ragabOn peut aisément imaginer le début de l’histoire de cet album un soir de décembre 1966 au Caire. Trois musiciens se rencontrent autour d’une table lors de la réception qui suit un concert du Randy Western Sextet. Il semblerait que ce soit Salah Ragab, percussionniste jazz et commandant en chef du département musical de l’armée égyptienne qui souffle à ses deux convives, Eduard Vizuari, musicien professionnel tchèque, et Hartmut Geerken, musicien, auteur, compositeur, travaillant pour l’Institut culturel allemand au Caire, l’idée de créer le premier big band jazz égyptien.
Évidemment l’Histoire s’en mêla, la guerre des six jours eut lieu et il fallut attendre 1968 pour que le groupe se forme. Salah Ragab recruta 25 musiciens parmi ceux qui jouaient pour l’armée et entreprit de leur faire découvrir le jazz, la majorité d’entre eux, même s’ils savaient déchiffrer une partition, n'avaient pas l’habitude de jouer autre chose que des marches militaires et des hymnes nationaux.
Le Cairo Jazz-band était né.

« Egyptian Jazz » propose des enregistrements des années 1968 à 1973 de ce big band constitué de cinq saxophones, quatre trompettes, quatre trombones, piano, basse, batterie et percussions. Des instruments traditionnels orientaux y figurent également : ney, darbuka.
Le tout donne une mosaïque aux couleurs vives et chaudes (pas acidulées) qui lorgne tantôt vers le faste et la majesté de certaines musiques orientales, tantôt vers des musiques de film impérieuses et magistrales, tantôt nous renvoie vers les compositions chaotiques de Sun Ra.
Trompettes haut perchées et tempétueuses, percussions grondantes, saxophones ondoyants, thèmes repris vigoureusement par des ensembles de cuivres vindicatifs, de multiples univers se dessinent et s’effacent, chacun des morceaux éveillant de fastueuses réminiscences telles quatorze madeleines musicales nous projetant tour à tour dans un conte des mille et une nuits, dans une atmosphère circassienne survoltée, dans un péplum hollywoodien où le drame s’annonce par de grands élans musicaux péremptoires.
Une alchimie singulière se crée entre la sensualité et le sentimentalisme parfois un peu grandiloquents des musiques orientales, la rigueur et la sévérité martiales héritées des fanfares militaires et les envolées décalées, mouvantes et fugitives, inspirées de Sun Ra.

Toute l’originalité de l’album se tient là : quatre styles musicaux - les musiques traditionnelles orientales, le jazz de Sun Ra, les musiques militaires et les musiques de film de la grande époque hollywoodienne - qui se rencontrent sans doute pour une seule et unique occasion. Un assemblage étrange, quasiment contre-nature : ces mélodies, insaisissables par essence, qui se retrouvent contenues dans une structure d’inspiration militaire ; ces coupures brutales où la respiration laisse place ici à une percussion, là au ney, là encore au piano, qui sont endiguées, maîtrisées par une organisation stricte du morceau. Et Salah Ragab fait se tenir le tout, sans heurts, sans grincements, dans un bel équilibre qui n'a pas fini de nous surprendre et de nous charmer.


Isabelle Delaby

 

 

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