SMALL VESSEL
Le label Anticon a infusé dans le hip-hop quelques idées et comportements inédits qui entament (on l’espère ) à peine leur travail de germination féconde. Mais la maison san-franciscaine s’est toujours défiée du sur-place et des camisoles de toute espèce, et cautionne des sorties (Thee More Shalows, Bracken…) qui ont pour leitmotiv commun une libre variation autour, ou mieux entre, le(s) genre(s) visité(s). L’art du transformisme apparaît par ailleurs comme une seconde nature chez cet Anglais originaire de Bristol, Sam Wisternoff pour l’état civil. Bébé MC à l’age précoce de 8 ans (!) et use-savates dans un nombre incalculable de projets plus ou moins obscurs, avant de s’installer à résidence chez Anticon où il sort déjà son second disque après « Wrong Cat Feed Collapse », paru en 2007. Sur « Small Vessels », il améliore affine, aère, précise et rend quasi transparente sa technique qui consiste à limiter au maximum les traces visibles d’hybridation sur le corpus de cette pop acoustique pourtant élaborée de A à presque Z avec les outils de l'électronique et ses avantageux procédés de copier/coller qui offrent les pleins pouvoirs au démiurge solitaire. Toute la patte des techniciens musiciens réellement doués est là, dans une sorte de simplicité relative qui rend assimilable la virtuosité, cette affliction propre aux gens qui confondent tour de force circonstancié et génie véritable. A deux reprises (« The Small Percent » et « Under Certain Things » ), SJ Eseau et sa compagne dans cette aventure musicale, Charlotte Nichols, donnent une leçon de modestie aux Fiery Furnaces tandis que « Ruddy Spark » fond en une seule pièce l’élasticité des récemment promus Dodos avec le lyrisme chagrin des fureteurs insaisissables mais constants de Why? Mais, on a beau se dire que s’il y a incontestablement un avant et un après Animal Collective dans la manière de faire (sa fête à) de la pop, le champ des possibles qui semble s’ouvrir et s’offrir laisse entrevoir bien des promesses…
Yannick Hustache