On connaît tous Les hauts d’Hurlevent d’Emily Brontë, roman sombre aux passions dévorantes, au sein de la nature sauvage de l’Angleterre du XIXe siècle. On aurait pourtant bien tort de la réduire à cette seule œuvre car elle a écrit nombre de poèmes qui nous la font mieux connaître : une femme sensible, fragile, torturée et pourtant courageuse. Ils évoquent avec force les nuages noirs d’un ciel qui s’assombrit, la nature toute puissante, la lande anglaise, la pluie, le vent, l’orage et une mélancolie omniprésente.

« À mon oreille, leur chant avait quelque chose de singulier - sauvage, mélancolique, et portant à l'élévation. » — (Charlotte Brontë à propos des poèmes de sa sœur)

C’est en se plongeant dans la poésie d’Emily Brontë que Sofie Livebrant compose Weep the Time Away, sorti ce 3 décembre 2021.

L’artiste suédoise avait déjà mis en musique les poèmes d’autres auteurs et ce, dès son plus jeune âge. Dan Andersson, Emily Dickinson, Virginia Woolf, Shakespeare,… se font entendre par le biais de sa voix douce, fragile et délicate. Guitariste et pianiste, elle compose pour son amie Sofia Karlsson, chanteuse folk, également suédoise, laquelle a reçu plusieurs Grammy Awards, entre autres en 2012 pour Levande, où Sofie Livebrant prend un part très active (composition et chant).

Son premier CD sort en 2010. Elle y dévoile son talent pour la composition et l’écriture. Suit un deuxième, Emily and I, en 2012, dans lequel elle interprète et chante Emily Dickinson. Lighthouse et Några Karin, en 2014, précèdent Secrets, en 2018, un album de compositions personnelles qui l’amène à rencontrer des chorales proches de la tradition, en Sardaigne et en Géorgie.

Enfin, à l’aube de ses quarante ans, Sofie passe d’une Emily à l’autre. Durant la pandémie, elle habille les poèmes d’Emily Brontë d’arrangements habiles et souvent discrets, avec finesse et intelligence.

Dans ces huit chansons folks chantées en anglais, on ressent un lien direct avec l’esprit de Nick Drake quand quelques éléments musicaux (cordes ou piano) s’ajoutent à la guitare acoustique (« Shall Earth No More Inspire Thee », « The Lady to Her Guitar » ou « Awaking Morning Laughs »).

Si « Mayflower » est assez brut, guitare et voix ponctuées de steel guitar, presque proche d’une démo, « Deep Deep Down in the Silent Grave » se décline sur une série de notes au xylophone martelée d’un rythme obsédant et hypnotique : elle y pose sa voix, doublée à certains moments, dans un arrangement plus riche et se rapprochant du folk-rock.

Sur un rythme répétitif à la JJ Cale, « There Was a Time » laisse entendre une voix mal assurée, presque fausse, rattrapée par un beau solo de guitare acoustique.

Enfin, l’album se clôt sur la complainte « The Night is Darkening », la voix de Sofie émeut, l’orgue remplit l’espace avant que la chanson laisse place à un chœur dont le temps est compté. Et puisque la nuit est tombée, l’album se referme sur cet éclat intérieur, brillant au ciel éteint d’Emily Brontë.

Weep the Time Away: Emily Brontë (2021)

1 Mayflowers

2 Shall Earth No More Inspire Thee

3 Deep Deep Down in the Silent Grave

4 Awaking Morning Laughs

5 There Was a Time

6 She Dried Her Tears

7 The Lady to Her Guitar

8 The Night Is Darkening

Disponible sur Bandcamp.