A TIME 2 LOVE
Maintes fois annoncé, le tant attendu (dix ans !) nouvel album
du « boss » de la soul est enfin entre mes mains. Je le
tiens fébrilement, tel un objet précieux (comme une bonne partie
de sa discographie) et le pose, délicatement dans le lecteur. Bref instant
d'angoisse, balayé par une intro qui laisse augurer d'un Stevie en forme
athlétique. Rythmiques qui pulsent, suivies de la voix reconnaissable
entre mille, si chaude et caressante, du maître de séant, doublée
par un contrepoint féminin (ensorcelleuse Kim
Burrell). Les chœurs, les cordes, les percussions, les claviers sont
royaux (d'ailleurs Stevie joue de la plupart des instruments !).
Et ainsi vont s'aligner quatorze autres gemmes R'n'B, qui rappellent, si besoin
était, qu'il est temps de rendre à César ce qui est à
César ! Ballade jazzy sensible (Moon Blue), funk princier
(So
What the Fuss avec Prince)
ou façon grande époque Motown ("Please
Don't Hurt My Baby"), harmonica bluesy (Tell
Your Heart I Love You), la « merveille » fait
feu de tout bois, alternant le chaud et le très chaud (gare aux poussées
de fièvre), les moments intimes et les descentes sur le dancefloor.
Les textes ne sont pas en reste, tournant autour d'un thème éternel :
l'amour, décliné sous différentes variantes (ce qui nous
change des grossièretés et inepties qui plombent une partie de
la production actuelle…) et qui, sous forme d'avertissement, rappelle
que nous avons tous un choix à faire, en ces temps de violence, de terrorisme,
d'inégalités sociales, de dégradations de l'éco-système,
de racisme et autres calamités qui entachent l'Amérique (et pas
seulement elle…).
Ainsi que l'illustre pleinement (on peut être aveugle, mais néanmoins
lucide sur le monde qui nous entoure !), A
Time To Love, qui donne son titre à l'album.
En neuf minutes, Stevie, en duo avec India
Arie (une artiste soul à découvrir), livre une profonde page
d'humanité portée par un tapis de percussions, jouées par
des musiciens nigérians, indiens, porto-ricains, ouzbèkes, américains
et une chorale. Neuf minutes d'extase pure que l'on souhaiterait sans fin…
Pour résumer, ce retour fait office d'une magistrale leçon, développée
en quinze chapitres, à méditer, à investiguer, à
fredonner, à chanter à tue-tête, à surtout à
respecter !
Bon, là, je me calme, laisse (provisoirement) retomber l'adrénaline
et vous conseille, simplement, de jetter (je n'y vais par quatre chemins) une
bonne partie de l'insipide (et parfois putassière) production R'n'B actuelle
et d'accueillir comme il se doit le retour d'un artiste avec un grand A, qui
a la classe, avec un grand C !
LC