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Pointculture_cms | critique

STIL

publié le

Taylor Deupree est le fondateur du label 12K, et l’initiateur au travers de ses productions et de celles d’autres artistes du label, d’une esthétique musicale minimaliste et raffinée, mettant l’accent sur le souci du détail, sur l’utilisation de […]

Bien qu’utilisant l’arsenal traditionnel du clicks’n cuts et du glitch, explorant le potentiel de sons généralement considérés comme des déchets, des à-côtés indésirables de la production « normale » de la musique, cultivant les erreurs des machines, le souffle des enregistrement, les interférences, il a développé une musique extrêmement élégante et harmonieuse. Sa production se situe aujourd’hui à la lisière de l’ambient, dont elle intensifie encore le caractère statique, planant, tout en se référant historiquement à la techno et à la house. Ses premiers projets, Prototype 909 (avec Schoenemann et Szostek) ou Futique (avec Savvas Ysatis) se rangeaient à la suite des musiques techno de Detroit, et se basaient sur les machines en usage dans le genre, mais il se lança rapidement, sous le nom de Human Mesh Dance et de Seti (de nouveau avec Savvas Ysatis), vers des horizons moins rythmiques. Un changement profond s’opéra avec ses premiers albums sous son propre nom, publiés sur 12K. Il entama alors une nouvelle série de travaux, souvent basés sur des points de départ plus conceptuels, qui exploraient d’autres approches, d’autres sonorités. Son intérêt se porta alors sur la fragmentation à l’extrême du son, en isolant des parcelles infimes, en séparant les grains, pour ensuite les réorganiser radicalement. Par des procédés complexes de synthèse granulaire comme par des moyens plus classiques d’échantillonnage, il réduisait volontairement son arsenal de sons à des fractions microscopiques, des atomes de musique, dont il tirait pourtant le plus grand profit. Son album Occur (2001) explorait la possibilité d’un rejet complet de la répétition, se basant sur des séquences déphasées, des événements uniques, isolés, jamais présentés deux fois. Il se basait sur la complexité et le chaos de la vie elle-même et s’inspirait des ambiances urbaines qu’il percevait par la fenêtre de son studio de Brooklyn. Par contraste, ce nouvel album, Stil, prenait l’option opposée, choisissant plutôt la répétition la plus intense, la plus exaspérée. On serait en droit d’en attendre un disque fastidieux, outrancièrement dynamique, aux rythmiques exacerbées, ou au contraire une œuvre ennuyeuse, lassante, développant le concept jusqu’à l’exagération. Mais Deupree a voulu associer à cette idée de répétition l’idée du calme, et jouer sur le paradoxe apparent de l’oxymore, du couple impossible calme/répétitif. Ce nouveau critère réussit la gageure de transformer l’exposition de sons infimes, anodins, selon une grille strictement répétitive, en un album qui appelle à la contemplation. Les quatre pièces qui le composent évoquent les paysages à l’apparence statique, et surtout faussement semblables, qu’on retrouve dans les photographies d’Hiroshi Sugimoto, dont Deupree dit s’être inspiré. En utilisant de manière systématique le même cadrage pour ses photographies de bord de mer, plaçant le ciel, la mer et la ligne d’horizon strictement au même endroit dans chacune, il démontre la diversité qui nait paradoxalement de cette répétition. De la même manière, les sons flottants de Stil s’échappent de sa structure contraignante pour former des univers mouvants, ondoyants, dont la richesse et le détail ne se révèlent que progressivement.

Benoit Deuxant

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