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Pointculture_cms | critique

« Supernova » : un film de Harry Macqueen

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cinéma, santé, astronomie, homosexualité, maladie, couple, maladie d'Alzheimer, démence, Supernova

publié le par Simon Delwart

Réalisé par le Britannique Harry Macqueen, Supernova appréhende la problématique de la démence à travers la relation fusionnelle qu’entretiennent Tusker et Sam.

Sommaire

Une ultime destination

Après Hinterland, un premier long métrage passé inaperçu en 2014, Harry Macqueen s’extrait de l’ombre des projecteurs avec un essai porté par la paire d’acteurs confirmés que sont Colin Firth et Stanley Tucci. Le duo y interprète les deux pendants d’un couple de citadins sexagénaires dont le raffinement contraste avec l’aspect spartiate du camping-car au sein duquel on les surprend dès la séquence d’ouverture.

De sorte qu’il s’agit bien là d’un road movie : embarqués dans des pérégrinations qui, à n’en pas douter, bousculent leur routine urbaine, ses protagonistes tendent l’un et l’autre vers une certaine forme de libération, entendue ici comme le douloureux épilogue d’une aliénation dont ils sont frappés, non pas en tant qu’entités isolées, mais en tant que tandem indivisible et consubstantiel. De quoi faire douter de cet adage issu du bon sens populaire, lequel postule que, puisque l’on naît seul, on s’éteint vraisemblablement dans des circonstances analogues.

« Tusker décide de ne pas attendre que sa personnalité s’étiole au point que ne demeure plus qu’une enveloppe corporelle vide en lieu et place de ce qui constitua un jour son identité. — »

Car, on l’apprend assez tôt dans le développement du récit, Tusker, l’écrivain joué par Stanley Tucci, est atteint de démence précoce. Le périple que le binôme entreprend sur les chemins bucoliques d’Angleterre fait littéralement office de dernier voyage pour l’intéressé. En laissant derrière lui sa médicamentation, qu’il juge prescrite en vain, le malade renseigne d’ores et déjà sur ses intentions : il a planifié son suicide.

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Un ressort narratif déjà employé dans Still Alice, de Richard Glatzer et Wash Westmoreland. Dans ce dernier, Alice Howland (Julianne Moore) s’enregistre, face caméra, faisant promettre à son futur soi, bientôt incapable de reconnaître ses propres traits, de mettre un terme à l’affliction à laquelle il est promis.

La différence entre la démarche respective des deux personnages réside essentiellement dans le timing : Tusker décide de ne pas attendre que sa personnalité s’étiole au point que ne demeure plus qu’une enveloppe corporelle vide, en lieu et place de ce qui constitua un jour son identité, là où Alice s’accroche désespérément à ce qui subsiste encore de la sienne. Le choix de l’écrivain apparaît comme la résultante d’une froide pondération entre coûts et bénéfices… quoi que puisse d’ailleurs en penser Sam, son conjoint (Colin Firth).

Sophistication face à la mort

Officiellement, le binôme prend la route pour se rendre à une représentation de Sam, pianiste concertiste. C’est sur son initiative que s’organisent des festivités réunissant à la fois famille et amis à la faveur d’une halte dans la propriété de sa sœur. Une démarche dont l’évidente ironie constitue sans doute le pivot principal de la réalisation : sans le savoir – il n’est pas au fait de ses intentions réelles – le conjoint du souffrant lui offre une chance de faire ses adieux à leur entourage.

C’est à cette occasion que le titre du film s’explique tant bien que mal, et ce par l’attrait que Tusker entretient pour les astres. S’ensuit donc la mise en scène d’un laborieux échange entre notre protagoniste et une enfant dubitative quant au fait d’être la résultante de l’extinction d’une étoile survenue plusieurs millions d’années auparavant. En cela – et bien que l’on comprenne la propension du personnage, dans les circonstances qui sont les siennes, à philosopher sous la voute céleste –, la référence à l’astronomie apparaît largement cosmétique au regard des enjeux qu’on connaît.

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Sans doute l’activité exercée par Tusker l’est-elle moins, dès lors que le déclin de ses facultés cognitives va de pair avec la disparition future de ses aptitudes à achever un manuscrit. Une évidence scénaristique également employée par le Still Alice de Glatzer et Westmoreland : leur personnage y est présenté comme une professeure de linguistique pour qui le logos est, on s’en doute, l’alpha et l’oméga de l’existence. À mesure qu’elle constate des béances dans sa capacité à honorer ses engagements professionnels, Alice Howland voit se consumer, outre sa mémoire, le fondement même de ce qui la distingue de ses semblables.

Parmi les partis pris de réalisation qui contribuent à la cohérence interne du film, on peut se demander si le choix d’un couple homosexuel accomplit un but narratif précis – a fortiori à l’aune du sujet traité – ou s’il est simplement question de concourir à une diversification de la représentation amoureuse. Dans Still Alice, l’autre ressort dramatique concerne le caractère héréditaire de la maladie d’Alzheimer et ses conséquences sur la descendance du personnage qui, en l’occurrence, est mère d’une fratrie de trois enfants. Non pas qu’un couple gay ne puisse expérimenter la parentalité : il s’est peut-être simplement agi, pour Harry Macqueen, d’évacuer plus facilement la problématique de la transmission.

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De manière générale, Supernova souffre mal la comparaison avec The Father, sortie récente qui aborde la thématique de la démence par le biais d’un dispositif filmique tout à fait original. La pathologie et ses conséquences – présentes ou futures – n’y sont pas montrées, comme il est de coutume, à travers le regard de l’entourage : c’est par les yeux du vieillard interprété par Anthony Hopkins qu’est directement figurée l’altération de sa propre réalité.

Par ailleurs, c’est sans présumer du bagage intellectuel de son personnage que le spectateur est invité à appréhender une problématique devant laquelle, semble-t-il, nous sommes finalement tous égaux, prédispositions génétiques mises à part. En ce sens, le film d’Harry Macqueen exhale malgré lui quelques relents de supériorité bourgeoise qui dénotent avec l’universalité de la cause dont il entend se faire le porte-voix.


Simon Delwart

Crédits photos : Cinéart


Agenda des projections :

Sortie en Belgique le 18 août 2021.

Distribution : Cinéart

En Belgique francophone, le film est programmé dans les salles suivantes :

Bruxelles : Cinéma Aventure, Le Stockel, UGC Toison D'or, Vendôme

Brabant Wallon : Ciné Centre (Rixensart), Ciné4 Nivelles, Wellington (Waterloo)

Hainaut : Imagix Mons, Quai10 (Charleroi)

Liège : Le Parc, Sauvenière, Kihuy (Huy), Versailles (Stavelot)

Namur : Cinéma Caméo

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