TONY [OST]
Pour sa première bande originale de film, l’Anglais Matt Johnson alias The The a prêté main forte à son frère, Gerard, en accompagnant le premier long métrage de ce dernier. Sorti l’année dernière, Tony suit pendant une semaine un chômeur de longue durée accro aux films d’action sur cassette VHS et dont la petite « particularité » est de massacrer et de démembrer toute personne qui pénétrera son modeste appartement londonien.
Librement inspiré du tueur en série britannique Dennis Nilsen, Tony ne cherche finalement qu’à échapper – certes assez maladroitement – à une solitude étouffante et tient autant des drames sociaux d’Alan Clarke que de Henry : Portrait Of A Serial Killer. Malgré un succès plutôt confidentiel, ce premier film tourné en onze jours pour la modique somme de 40000£ fut salué par la critique tant il assume parfaitement le décalage entre son aspect social-réaliste et la sauvagerie de certaines scènes, non sans une petite touche d’humour noir typiquement british.
Soulignées par les compositions minimalistes de Matt Johnson, les errances londoniennes de cet antihéros troublant de vérité revêtent une dimension quasi mystique. En vingt-quatre vignettes instrumentales alliant piano solo et ambiances électroniques entrecoupées de huit extraits de dialogues du film, cette bande originale risque bien de ne pas être la dernière de The The.
Il est d’ailleurs étonnant qu’il s’agisse là de sa première musique de film complète. En effet, depuis ses débuts à la fin des années 1970, le projet à géométrie variable formé autour de sa tête pensante, Matt Johnson, s’est fait un nom grâce à la grande diversité de ses compositions et de textes à la fois introspectifs et très critiques vis-à-vis de la société de consommation. D’un album à l’autre, The The n’a cessé de se renouveler constamment en trente ans de carrière, lorgnant tant du côté du postpunk et des rythmiques tribales chères à l’indus (Burning Blue Soul en 1980) que des pop-songs pures et parfaites (le tube « The Beat(en) Generation » extraits de Mind Bomb en 1989) et des ballades country (Hanky Panky, album de reprises de Hank Williams paru en 1994) sans jamais céder aux sirènes de la gloire.
Les compositions sans concessions de Matt Johnson ont fait de lui une des figures les plus intègres et intrigantes du pop-rock contemporain, sa discrétion n’étant qu’un indice parmi d’autres de son manque d’intérêt (pour ne pas dire mépris) pour l’industrie musicale et toutes les fanfaronnades qui en découlent. Ainsi donc poursuit-il son petit bonhomme de chemin à l’écart du grand cirque musico-commercial, à l’abri des regards, mais pas des oreilles : si Tony est sa première sortie depuis le coffret récapitulatif London Town 1983-1993 paru en 2002 et son premier album studio depuis NakedSelf (2000), Matt Johnson ne s’est pas pour autant reposé sur ses lauriers puisqu’il a travaillé sur bon nombre de musiques pour le cinéma, la télévision et des installations multimédias entre temps. L’année dernière, il a également lancé « Radio Cinéola », émission radio mensuelle diffusée sur son site internet, où notre hôte présente ses travaux en cours, collaborations et autres titres inédits.
Catherine Thieron