THING (THE)
De l'intelligence combinée à l'énergie ou comment sonne
le free jazz à l'aube du troisième millénaire. Menée
d'un bout à l'autre de main de maître par le très prolifique
Mats Gustafsson, cette plaquette se veut, au travers de compositions originales
et de reprises, un hommage à Don Cherry. Épaulé par un
contrebassiste et un batteur, le saxophone du Suédois décrit rage
et souffrance avec précision. Dès le départ, on le voit
relié à un fil que, par envie, il s'amuse à distancier
ou à perdre. C'est l'urgence et le jeu de l'urgence. Il n'est jamais
bien loin cependant, tant l'enjeu semble grand : musique d'un suicidé.
Le temps fait son chemin : la basse apaise, toujours compréhensive
et prête à suivre le discours, le délire. Sinon, elle fait
prendre d'autres directions à l'ensemble, d'autres paysages. Le tout
peut ainsi passer en un souffle du cri à la carte postale. Le temps d'un
morceau, le trio quitte la rage pour coller au thème ou pour poser une
ambiance, une atmosphère, avec une homogénéité résiduelle
déconcertante ! Le discours est d'une richesse telle que si l'on
prend la peine de s'y pencher un peu, on voit d'où vient cette musique,
par où elle est passée. En ce sens, elle constitue un document
précieux : reflet d'un temps, d'une actualité.
Sous-jacente également une nouvelle esthétique, une nouvelle manière
d'envisager le free jazz. Le jeu des musiciens est enflammé et chaotique,
cependant parfaitement maîtrisé et servi par une technique irréprochable :
la prise de son souligne cette dichotomie tant elle est propre est claire dans
l'ensemble, en laissant transparaître toutefois en filigrane le souffle,
les petits cris des musiciens : témoign ages précis d'une
musique vivante, toujours en train de se faire. Wynton Marsalis disait que le
free jazz était une impasse, il ne doit pas connaître The Thing.
(Maxime Coton)