ERASER (THE)
Présenté comme un album audacieux, exigeant, radical presque unanimement par la presse… J’achète « The Eraser » pour en avoir le cœur net ! Je découvre une musique qui a du style, personnelle, pas tellement racoleuse mais de là à utiliser ces qualitatifs ! Une fois de plus c’est dire combien les journalistes sont déconnectés des « radicalités musicales courageuses » ! En attendant, à force de l’écouter pour mettre à l’épreuve musique et commentaires médiatiques, surtout pour sa mélancolie techno douce, légèrement retorse, à peine revêche, c’est devenu mon tube de l’été !
LITTÉRATURE
Gérard Genette, « Bardadrac », (Fiction & Cie/ Fiction), 2006
Déjà présenté le mois précédent. Découpé en articles, de cristallisations autour de mots qui forment les multiples plissés d’un exercice de style très racé, ça se lit « lentement ». Le plaisir dure. C’est le genre de livre que l’on promène. Je l’ai lu en salle d’attente, dans l’avion, à la plage, dans des lieux «provisoires» (location de vacances). Il se charge de ces moments…
J’épingle :
- Métissage, ça concerne directement mon travail à la Médiathèque, mon analyse des médias dits "musicaux" diversité. Il me semble que le propre du métissage est d’annuler progressivement la diversité, et d’engendrer par homogénéisation quelque chose comme une entropie, physique ou culturelle. Ces deux bienfaits sont inconciliables. »
- Médialecte : « dialecte propre aux médias au sens large»; répertoire alphabétique de mots déformés, de mots confondus avec d’autres ("Amalgame" en lieu et place d’anathème), d’expressions mal utilisées, de locutions tordues, de sens détournés dans l’usage courant des médias. Je me découvre moi-même usager de certains de ces symptômes médialectiques. Je mesure combien je suis loin d’avoir une connaissance aussi poussée et précise de la langue… À travers ce mésusage transparaissent les idées toutes faites sur lesquelles repose la pensée médiatique. C’est aussi très amusant. « Docufiction : cauchemar médiatisé »
- Rustine : deux pages et demie d’anthologie sur la réparation des chambres à air percées…
- Péniche : je découvre sa passion pour les fleuves et les rivières, la nage en eau douce, les jeux avec les bateaux… Et je revis tous mes souvenirs mosans, mon enfance sur l’eau, dans l’eau, autour des îles,…
Décidément un livre à tiroirs.
Gore Vidal, « Julien », Editions Galaade, collection Retrouvailles, (2006, texte de 1962 et 1964, traduit de l’anglais)
(Je n’avais plus lu de « bio » d’empereur romain depuis « Héliogabale » d’Artaud !)
J’aborde seulement maintenant l’œuvre de Vidal. Je viens de m’enfiler les deux titres publiés dans cette collection de poche : « Kalki » et donc « Julien ».
- Quatrième de couverture : « Julien est cet empereur que l’histoire connaît sous le nom de Julien l’Apostat (331-363). Neveu de l’empereur Constantin, élevé dans la religion chrétienne mais très tôt attiré par l’hellénisme, il tenta de restaurer le paganisme. Gore Vidal, par le biais de mémoires apocryphes, nous raconte l’exceptionnel destin de cet empereur de trente ans. (…) Il fait revivre aussi toute une époque, d’Athènes aux rives du Rhin, de l’austère palais de Lutèce à la cour dorée de Constantinople. »
Remarquable travail, passionnant à lire, qui rend palpable une réalité historique autrement plus complexe et nuancée que ce que l’on apprend à l’école ! Le sérieux de Gore Vidal, je le vérifie en commençant parallèlement le livre de Paul Veyne : la « reconstitution fictionnée » de Vidal intègre bien les dimensions historiques que Paul Veyne dégage pour renouveler l’approche de cette
époque.
« Revivre » un peu le contexte dans lequel la religion catholique commençait à instaurer son pouvoir est très intéressant.
Paul Veyne, « L’Empire Gréco-Romain », Seuil, Collection « Des Travaux », 2OO5.
C’est une brique (865 pages) que je vais traîner quelque temps !
J’ai été élevé (pas le seul) avec l’idée d’une séparation nette entre « la Grèce » et « Rome ». On nous enseignait comme deux périodes différentes, successives…
Paul Veyne s’emploie à montrer que cette séparation ne tient à rien, qu’il faut parler d’empire gréco-romain. Il montre que « la culture matérielle et morale de Rome est issue d’un processus d’assimilation de cette civilisation hellénique qui reliait l’Afghanistan au Maroc » et que « la culture y était hellénique et le pouvoir romain »…
Ambition de l’ouvrage : « suggérer, à coups d’aperçus partiels et de questions transversales, une vision d’ensemble qui ne soit pas trop incomplète de cette première « mondialisation » qui constitue les assises de l’Europe actuelle. »
Accessible au profane.
Titres des chapitres pour avoir une idée de la structure de l’ouvrage
- Qu’était-ce qu’un empereur romain ?
- Les présupposés de la cité grecque, ou pourquoi Socrate a refusé de s’évader
- Existait-il une classe moyenne en ces temps lointains ?
- L’identité grecque avec et contre Rome : « collaboration » et vocation supérieure
- Palmyre et Zénobie entre l’Orient, la Grèce et Rome
- L’art de Palmyre : « mondialisation », ressemblance, frontalité, yeux hallucinés
- Buts de l’art, propagande et faste monarchique
- Culte, piété et morale dans le paganisme gréco-romain
- Païens et charité chrétienne devant les gladiateurs
- Les problèmes religieux d’un païen intelligent, Plutarque
- Passion, perfection et âme matérielle dans l’utopie stoïcienne et chez Saint-Augustin
- La prise de Rome en 410 et les grandes invasions
- Pourquoi l’art gréco-romain a-t-il pris fin ?
Michel Foucault, « Les mots et les choses, une archéologie des sciences humaines », Gallimard, 1966
Relecture en cours ! Besoin, à l’approche des vacances, de «faire le point», de revenir à ses classiques! J’aurai baladé ce vieux volume en divers endroits. Relisant paragraphe par paragraphe. Style et pensée structurantes. Très lumineux. Je me demande ce que j’ai bien pu y comprendre il y a 20 ans ! Pour maîtriser à fond le contenu, je devrais y consacrer encore une ou deux lectures méticuleuses, verbaliser ce que je pense comprendre! Néanmoins, je « reconnais » les formes, les contours, je sens que j’y suis déjà passé et que j’en avais absorbé quelques rudiments moteurs au niveau de ma maigre activité intellectuelle. Théorie sur le langage, comment il s’est forgé en outil indispensable de connaissances, forgeur de connaissances…
La phrase
« La lenteur du processus qu’on appelle l’écriture me remplit d’amertume. »
(Christa Wolf, « Un jour dans l’année ») Un écho réconfortant à mon état général, à ma difficulté à conduire comme je le voudrais quelque projet d’écriture personnel !!
Le lieu
Place de Fuzetta, Portugal, Algarve.
Petite ville mais plus gros port de pêche du coin. Ici le tourisme n’est pas envahissant, n’a rien détruit. Les navettes fluviales incessantes qui conduisent les gens sur les plages de l’Ile de Tavira, en traversant la lagune (réserve naturelle Ria Formosa), s’intègrent dans le paysage. Les poissonniers sont en face du port, de l’autre côté de la rue. Avec quelques caboulots. On marche 100 mètres, on débouche sur cette place. Café, pâtisserie, petits restaurants. Lumières et couleurs ouvrent une autre dimension. Endroit idéal pour s’oublier, s’enfoncer dans une autre réalité…
Le flop
« Le caïman » de Nanni Moretti
Vu enfin le film au cinéma. Ce qui me frappe : le décalage entre l’œuvre et sa couverture médiatique. Sous prétexte de bon sentiment, « s’attaquer aux années Berlusconi », ce film a bénéficié d’une exposition journalistique incroyable. Pourtant, c’est un film raté. Le propos est décousu, il s’égare, c’est rempli de nunucheries. Presque pour avoir honte. Remplissage par fadaises et gadgets narratifs sans aucune finesse. On comprend la difficulté de ne pas faire le film trop attendu contre Bersluconi mais de là à sombrer dans l’incapacité à construire un discours, à dire quelque chose de cohérent et de critique pour cette époque! Pour finir quand même par montrer quelques énormes clichés mal joués par Moretti !!?
Le retour
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