Le thuya est ce conifère géant, résineux aromatique originaire des côtes ouest de l’Amérique du nord où il déploie librement ses branches. Le thuya n’est pas seulement un arbre bien rangé et taillé sur mesure pour encadrer nos petits jardins. C’était l’arbre dans lequel les Amérindiens creusaient leurs totems et leurs canots et dont les feuilles « toujours vertes », riches en vitamines C, leur permettaient de lutter contre le scorbut.
Thuja c’est, en ce qui nous concerne, une des facettes musicales de ce naturaliste de la musique qu’est Loren Chasse. Ce musicien originaire d’Océanie, enseignant dans les écoles publiques de San Francisco emmène ces élèves écouter profondément les sons des milieux extérieurs. Thuja est un projet californien au carrefour de l’abstraction folk, l’improvisation bourdonnante aux allures de raga indien, la prise de sons en milieux extérieurs et l’utilisation originale des timbres des instruments de musique et des non-instruments de musique.
Comme l’arbre dans son milieu naturel, la musique de Thuja n’est pas taillée sur mesure, elle n’est pas jardinée. Elle est déconcertante par son allure naturelle. Elle est l’œuvre d’un collectif sensible qui inclut Glenn Donaldson, Steven R. Smith et Rob Reger.
La musique de Thuja est principalement acoustique et le jeu des instruments à cordes ou du piano et des percussions est comme calqué sur le comportement paisible et aléatoire de la «Nature». Ces musiciens prennent plaisir à jouer dans la forêt ou dans les criques sur les côtes californiennes, inspirés par la musique des éléments qui les entourent. C’est en cela un projet fermement enraciné dans son milieu, fut-il même urbain, incluant lors des enregistrements des field recordings qui se comportent comme des musiciens supplémentaires là où la performance se déroule. En fait qui convie l’autre ? Les musiciens s’invitent dans un milieu tout en respectant et en transcendant ce milieu acoustique.
Les albums de Thuja ne mentionnent pas de titres de plages. All Strange Beasts of the Past n’échappe pas à la règle. Si les quatre premières plages, plus axées sur le jeu des instruments folk traditionnels, ont cette grâce fragile, pastorale et immatérielle, ce sont surtout les deux dernières -plus de vingt minutes – qui, à mon sens, génèrent le plus de magie musicale en roue libre par une prise de son détaillée, cette exploration intime de tous les instruments, ce recours à la percussion inattendue et cette harmonie entre les musiciens qui improvisent dans une même direction.
PCO