LISTENING TREE
Tim Exile, quant à lui, prouve que l'on peut être titulaire d'un très sérieux master en composition électroacoustique et faire de la musique de danse. La sienne, telle qu'elle apparaît sur Listening Tree, s'éloigne néanmoins des schémas traditionnels et demande une écoute attentive pour en apprécier toutes les facettes.
Accueilli tièdement par la critique à sa sortie, son deuxième album déroutait sans doute de par son absence totale de parti pris : « trop » pour les uns, « pas assez » pour les autres, Listening Tree faisait figure d'OVNI avec sa pop complètement déstructurée, ses passages drum'n'bass frénétiques et ses textes intelligents, jugés trop exigeants par les amateurs de dance, et puérils par les aficionados de musiques électroniques pointues.
Et pourtant, cet album est une perle rare: non seulement, Tim Exile y met en pratique ses connaissances académiques force de rythmiques et d'harmonies complexes, mais il ne crache pas non plus dans la soupe populaire à travers des titres qui, pour certains d'entre eux, n'ont rien à envier à Depeche Mode, tant d'un point de vue musical que lyrique. Avec ses envolées vocales à la Dave Gahan et ses textes troublants de justesse, l'Anglais se taille une place de choix aux côtés de ses compatriotes, découpant son album en tranches de vie allant de l'anti-chanson d'amour (Don't Think We're One) à la téléréalité dans ce qu'elle a de pire (Carouselle) en passant par les règlements de comptes en famille (Family Galaxy), les découverts bancaires (Pay Tomorrow) et les effets pervers de la cocaïne (Bad Dust). Entre deux chansons, le musicien y va d'instrumentaux dans la plus pure tradition Warp (There's Nothing Left Of Me But Her And This et le très Aphex-Twinesque When Every Day's A Number) et n'en oublie pas de gratifier l'auditeur de messages positifs que d'aucuns jugeront démagos, mais qui font toujours du bien au moral les jours de détresse (Fortress et Listening Tree faisant désormais partie, et je l'avoue sans honte, de mes chansons de chevet).
Quoi qu'en disent les mauvaises langues, une chose est certaine: Totems Flare et Listening Tree prouvent à eux seuls que le label Warp n'a rien perdu de sa verve et a encore de beaux jours devant lui !
Catherine Thieron