« To Olivia » de John Hay (2021)
Sommaire
Une vie paisible
Début 1962 Même si son dernier livre s’est peu vendu, Roald Dahl (Hugh Bonneville), et que son épouse Patricia Neal (Keeley Hawes) attend désespérément la proposition de scénario de film qui relance sa carrière mise sur la touche pause pour cause maternité, l’écrivain, joueur et facétieux n’est jamais aussi heureux que lorsqu’il est au contact d’un public d’enfants (les siens ou ceux des autres) à leur compter 1001 histoires tout droit sorties de son imagination débordante et de son talent inné à les faire exister dans les yeux émerveillés de ses (jeunes) auditeurs. Il s’est attelé à ‘écriture de son nouveau livre mais son inspiration marque le pas et l'écrivain ne sait pas trop dans quelle direction aller…
Et puis ce papa et mari comblé de trois enfants à l’époque (d'Olivia, Tessa et Theo), de perdre soudainement son ainée, atteinte d’une forme d’encéphalite foudroyante (une forme aigue de rougeole) contre laquelle la médecine ne pourra rien avant l’arrivée d’un vaccin des années plus tard.
Crises
Et Dahl et Patricia de sombrer dans la tristesse et la tourmente. Colère, résignation, doute, aigreur, remise en question, incompréhension… le couple traverse une période de crise sans précédent alors que le besoin d’argent se fait tout doucement sentir. Roald se met à taquiner le goulot de sa réserve de whisky, devient amer même auprès de ses enfants, se presse d’empaqueter les affaires de la défunte - quitte à y enfermer la poupée fétiche de son autre fille - et commence à remettre en question sa foi (catholique) après une rencontre (hallucinante) avec son ancien directeur de conscience au collège devenu haut responsable du clergé britannique, et qui fait retomber la responsabilité du décès de la petite fille sur son actrice de mère et son métier de saltimbanque…
Laquelle reçoit une proposition de tournage aux USA de son agent pour donner la réplique au très pointilleux Paul Newman, pour un film que l’on dit oscarisable. Mais devant la négativité la rancœur vindicative de son mari. Elle décide de s’exiler en Californie en emmenant ses enfants, laissant Roald à ses ruminations, lequel se remet à l’écriture de son livre.
Art will save us
« To Olivia » est effectivement le récit d’une mauvaise passe, mais son dénuement n’a que faire d’une énième histoire de rédemption à l’américaine où le(s) personnage(s) principal/aux touche(nt) le fond du malheur avant de remonter vers la lumière et de connaître une nouvelle épiphanie de et dans leur art.
Le film se place davantage dans une sorte de narration en double miroir, cheminant sur un temps assez court (une grosse année) entre le moment où le couple Neal / Dahl replié dans la verte campagne anglaise ave leurs enfants est touché par le malheur, et d’autre part, les doubles réussites artistiques temporellement conjointes que seront l’oscar 1964 pour son rôle dans « Le Plus Sauvage d'entre tous » (« Hud » en VO), et le triomphe tant critique que commercial du livre « Charlie et la Chocolaterie » (« Charlie and the Chocolate Factory » en VO). Des succès annoncés au moment du générique tant le propos de « To Olivia » n’est pas là
La première partie du film est une sorte de mini jardin d’Eden familial plongé dans la froidure hivernale, avec sa grande maison typique, spacieuse et confortable, ses grandes pelouses vertes, sa cage à perruches (les oiseaux fétiches d’Olivia), et son chalet situé un peu à l’écart (là où l’écrivain travaille). Et même si Patricia Neal vit loin de son pays natal (elle vient du Kentucky), des studios, reconvertie en mère de famille, et que Roald est en panne d’écriture, le couple semble néanmoins soudé et heureux.
Le même lieu se mue ensuite en champs de bataille où la rancœur et la tristesse outre le fait de gommer chez Roald sa gentillesse innée et cet allant naturel à la féérie facétieuse, pousse Patricia à fuir (et à se réinventer) à l’autre bout du monde.
Une Californie synonyme de retrouvailles (surprises) et de deuxième chance, certes compliquées mais où l’amour partagé et celui de l’art, seront les 2 germes en puissance des triomphes à venir. Un Hollywood des décors de cinéma et de ses villas de luxe sous le soleil aussi éloigné que possible du charme discret des villas humides du centre de l’Angleterre.
Magie de la campagne, magie des studios
Bien que « To Olivia » se situe sur un court interstice temporel, le film évoque l’univers de Roald Dahl de manière aussi allusive qu’indirecte, préférant montrer la force des récits imaginaires chez les petits comme les grands (la lecture publique devant un théâtre rempli d’enfants, sa balade quotidienne matinale contée et enchantée sur la route du village au côté d’Olivia, ses échanges avec son propre moi-enfant dans son chalet de travail), et se conclut sur ce petit miracle de nature que l’on pourrait faire passer pour un vrai conte de fée ou une fable animalière.
Enfin, on ne peut qu’être étonné du contraste qu’offre le personnage de Patricia Neal, à la fois actrice, femme, épouse et mère sensible et aimante et celui de Paul Newman (Sam Heughan dans le film), pourtant connu pour ses prises positions plutôt engagées, qui est ici montré comme un bellâtre froid et distant, pour qui seul le métier d’acteur et ses vicissitudes importent.
To Olivia, John Hay
Royaume-Uni, 2021, 1h34
Texte: Yannick Hustache
Crédits photos: Paradiso Films
Agenda des projections
Sortie en Belgique le 03 août 2022, distribution Paradiso Films
En Belgique francophone, le film est programmé dans les salles suivantes:
Bruxelles : Le Stockel, UGC Toison d'or
Wallonie : Ciné Centre Rixensart, CINÉ4 NIVELLES, Qaui10, PLAZA ARTHOUSE, IMAGIX TOURNAI
Cet article fait partie du dossier Sorties ciné et festivals.
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