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Pointculture_cms | critique

UNREASONABLE BEHAVIOUR

publié le

En 2000, l’ex porte-parole expatrié de la techno made in France sort enfin un album à hauteur des exigences artistiques formulées dans son discours.

Né en 1966 près de Paris, Laurent Garnier a acquis au cours des années 1990 une notoriété assez inhabituelle par-delà le petit monde des musiques électroniques, jusqu’alors dominé par le relatif anonymat de ses principaux acteurs. DJ, compositeur et producteur à part entière, l’homme a le verbe facile, une présence assurée face aux caméras, et un parcours qui témoigne à la fois d’une immersion précoce aux foisonnantes déclinaisons du chant des machines et d’un CV au-delà de tout soupçon critique. En effet, après avoir transformé sa chambre d’ado en mausolée-discothèque, le garçon, sitôt diplômé d’une école hôtelière, met le cap sur l’Angleterre alors en pleine frénésie acid house, marquée par d’immenses rassemblements le plus souvent improvisés appelés raves parties. Suprême honneur, Laurent Garnier, sous le pseudonyme de DJ Pedro, passe en 1987, à cet instant-clé, derrière les platines de l’un de ses plus manifestes foyers de propagation, l’Haçienda, situé à Manchester. Mais lassé par les excès (l’infernal binôme drogue & argent) d’un phénomène inédit et massif dans son ampleur, l’homme revient en France où il se mue en quelque sorte en un porte-drapeau aux couleurs de la house et de la techno, alors largement déconsidérée et de fait « invisible » voire ghettoïsée dans les médias, et dont il plaide activement la reconnaissance artistique. Une bonne parole qu’il propagera ensuite sur l’antenne de quelques radios influentes (Nova) et via son label F.Com (ou F.Communications).
De fait, si ses deux premier disques (Shoot In The Dark en 2004 et 30 en 2007) sont relativement bien reçus, y compris par un public fraîchement acquis à la cause électronique, ils ne peuvent en aucun cas prétendre au titre de « grand œuvre synthétique » à même de faire évoluer les mentalités.
Surprise, l’entame de Unreasonable Behaviour ne mène pas illico au danceflloor, mais comme son nom le suggère (« The Warning ») est un petit exercice d’échauffement respiratoire et expiatoire, comme pour évacuer les reliquats d’humeur morose du jour. Et il en reste ! Puis le pied léger (basses jazzy, cymbales frottées, motifs rythmiques discrets), « City Sphere » lance les premiers signaux de reconnaissance, telles ces nappes synthétiques étagées en arrière-fond. Nappes qui soufflent crûment sur « Forgotten Thoughts », pour laisser place ensuite à quelques sonorités filtrées couplées à un beat qui ne se décide jamais à embrayer sur un tempo techno définitif. La techno qui déboule pour de bon avec « The Sound of Big Baboo ». Ligne de basse inflexible, motifs synthétiques croisés mais toujours mélodiques et un art consommé de la rétention/relance au niveau du beat. C’est déjà le moment d’un court interlude vocalisé («Unreasonable Behaviour ») avant une relance nettement plus syncopée, et en français dans le titre (« Cycles d’oppositions »), qui dans sa déréglementation rythmique contrôlée fait dire que le Français n’est pas insensible au travail du label Warp. Virage à 180° ensuite et place à un titre house (« The Man With The Red Face ») ensoleillé, et à l’entrain est décuplé d’un saxophone joueur (et joué). « Communications From The Lab » tempère l’optimisme de son prédécesseur mais le fait aussitôt oublier tant ce mid-tempo méditatif aux nappes fuyantes et à l’inquiétude tenace est sans conteste le morceau le plus réussi de ce disque. Toujours inquiétant mais amusant quelque part avec ses voix robotiques et sa boîte à rythme à l’ancienne, « Greed Parts 1 & 2 » est une bizarrerie électro nostalgique fracturée en deux parties quasiment distinctes. Sans sortir des éclairages ombrés, « Dangerous Drive » est une bonne suée techno tout à fait conventionnelle mais bâtie autour d’un axe de progression interne des plus futés. En regard « Downfall » est un virage final mal négocié. Comme si la brume synthétique du début étouffait dans l’œuf des architectures rythmiques grasses et sans finesse. Enfin, pour conclure, Garnier adresse, sous la forme d’une carte postale house habitée d’une voix féminine (filtrée), un ultime hommage intitulé « Last Tribute From the 20th Century » aux pionniers, de la house et de la techno, ainsi qu’à leurs cités respectives.
Logique, en cette dernière année du second millénaire.

Hustache Yannick.

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