METAPROGRAMMING FROM WITHIN' THE EYE OF THE STORM
¾HadBeenEliminated est un groupe italien, de Bologne, qui débuta en 2002.
D’abord trio (avec le guitariste et contrebassiste Stefano Pilia, le turntabliste et « assembleur de son » Claudio Rocchetti et « l’architecte sonore » Valerio Tricoli), ils deviennent quartet en 2004 avec l’adjonction du batteur Tony Arrabito. Ce disque est leur seconde apparition discographique, après leur précédent album sur l’excellent label italien Bowindo. Comme l’album d’Anders Dahl qui précède (attention mise en page), c’est un album d’équilibre et de contrastes, entre le dedans et le dehors, l’électronique et le «naturel», le field recording et les instruments, etc. L’accent est néanmoins mis ici, et c’est un contraste de plus dans cet équilibre, sur le format chanson, avec comme base structurelle une approche de la mélodie assez floue. Assez floue que pour permettre tous les détournements, toutes les manipulations. Et c’est là qu’interviennent les crédits fantaisistes de Rocchetti et Tricoli, car il est bien question d’assemblage de son et d’architecture sonore. Mais là où ces termes pourraient suggérer une froideur calculatrice, il y a ici un sens aigu de l’improvisation, de l’évolution quasi organique d’une pièce musicale. Les morceaux sont joués ET manipulés en direct, chaque intervention détournant l’ambiance générale dans l’une ou l’autre direction, sans perdre en cohérence. Toutes ces interventions ajoutent au contraire des détails nouveaux, des perspectives nouvelles, qui précisent la musique, la complexifie sans l’alourdir, ni la faire exploser de l’intérieur. On pense à une certaine école de « pop complexe », celle de Mark Hollis, des Autistic Daughters ou à l’album The Black Plays the Grand Cinema (XR685G) de Dean Roberts. Une sorte de zone grise trop rare entre l’expérimentation musicale et la chanson.
L’album solo de Valério Tricoli est une autre affaire, mais elle permet de mieux situer son travail au sein du groupe ¾HadBeenEliminated. Ici aussi il est question d’équilibre, d’assemblage et de mise en contraste. Beaucoup de silence, d’attente, dans ce disque, et de sons qui sont autant de fausses pistes. Le field recording, généralement conteneur et garant de narration, est chez Tricoli systématiquement détourné, de manière assez cinématographique, vers le non-linéaire. Chaque trace d’explicite est gommée pour ne laisser en place qu’une trame complexe et trompeuse. Il se passe clairement quelque chose, une histoire se déroule manifestement, mais chaque information nouvelle contredit ou interrompt la précédente. Le résultat de ce « montage dans le désordre » pourrait être irritant au possible, comme un film prétentieux raté, mais il est ici passionnant et incompréhensible… comme un film prétentieux réussi.
BD