MON VOYAGE D'HIVER
Road movie sentimental, sorte de reportage à travers l’hiver allemand en compagnie d’un adolescent, Itvan, qui va rejoindre sa mère à Berlin. Couleurs « pierre de taille », musique de Schubert.
Film d’émotions, de sensations, tranches de vies quotidiennes saisies comme par hasard. Brouillard, rues mouillées, neige, froidure, nuits fiévreuses et matins pâles. De ville en ville, plans fixes «photo-graphiques», beaux dans leur banalité, plans-séquences. Alternance d’hôtels, de magasins, de bistros où on fredonne La Vie en rose. Rencontres, poèmes récités, visites de lieux historiques, plein air hanté par le croassement des corneilles. Et surtout musique, studio de musique, salon de musique, musique de chambre, musique romantique, lieder, musiciens. Ombre et lumière où planent la maladie, la jeunesse perdue chez la génération de la guerre, l’absence, et cette « hypothèse d’amour » où l’on «boit le lait noir de l’aube». Les protagonistes de cette balade sont émouvants dans leur maladresse à exprimer leurs émotions par le geste, la parole, leurs yeux brillants de larmes, leur regard perdu face à l’autre, face à la poésie et à la musique. Mon voyage d’hiver est une oeuvre où Vincent Dieutre affirme une grande maturité de style dans l’usage des moyens réduits, mais bien en place, qu’il sollicite et qui font son image de marque. La musique, présentée comme une riche entité, décidée avant la mise en images, se montre déterminante, fondatrice du récit. Ce long métrage fut tourné d’un seul coup, dans l’ordre des étapes du voyage, pour cimenter entre elles toutes ces existences qui défilent. Par rapport à Leçons de ténèbres, Mon voyage d’hiver offre un cinéma apaisé, plus doux, moins âpre, moins clinique, car l’histoire s’adresse à l’adolescent Itvan qui n’a pas encore choisi son parti de vie. Derniers plans, derniers sons. Une ruelle où disparaît la silhouette de Vincent. Un adieu lourd de sens ? Un au revoir ? Deux images du lieu se superposent lentement, passé et présent unis. Le piano est fermé, les instruments silencieux, le studio de musique glisse dans l’obscurité. La voix off se tait…
Bonus : Un entretien avec le réalisateur et un court métrage: Entering Indifference (2001, 28’), tourné à Chicago, proche de l’esthétique de Rome désolée et que l’auteur considère comme « l’hiver de l’amour ».
VINCENT DIEUTRE
Après avoir étudié l’histoire de l’art et obtenu le diplôme de l’IDHEC, Vincent Dieutre réalise son premier long métrage, Rome désolée, en 1995. Depuis, il a réalisé plusieurs courts et deux longs métrages, Leçons de ténèbres et Mon voyage d’hiver, primés dans divers festivals.
Son documentaire Bonne Nouvelle (2001) fut diffusé sur Arte.
Le reste de ses films, hors une édition récente en DVD, connaît en France une diffusion restreinte dans le circuit classique peu enclin à recevoir des œuvres hybrides, conçues avec une grande économie de moyens, alliant geste artistique et geste politique. Son cinéma, dans son affirmation minoritaire, sa diversité esthétique, son économie défie les catégories traditionnelles du cinéma français et le rapproche de l’art contemporain par certains côtés. Dieutre écrit dans la revue La Lettre du Cinéma, anime les projections « Point Ligne Plan* » et enseigne régulièrement l‘esthétique filmique (Paris VIII, La Fémis).
Il dit : « …c’est-à-dire que je mets à plat le temps comme l’espace pour voir si cette musique a une résonance contemporaine aujourd’hui. C’est ce qui m’intéresse, de voir si la culture est de l’ordre d’un devoir-devoir de muséification, ou si c’est un véhicule de questionnement et de subversion. » « La fiction m’intéresse, au sens cinématographique du terme actuel, c’est-à-dire ce que j’appelle l’actorat et la diagonalisation, qui viennent de la tradition du théâtre. »
Toutefois ce qui l’intéresse dans le cinéma, c’est sa relation avec la peinture (Leçons de ténèbres), avec la musique (Mon voyage d’hiver), la télévision (Rome désolée), son histoire intime et politique (Bonne Nouvelle) en tant que creuset d’autre chose, qui existe dès le début, dès les plans lumières. Les deux longs métrages sont destinés à faire partie d’une trilogie dont le troisième opus se passera en Angleterre. Un narrateur sert de guide off au spectateur, utilisant un texte fait de termes, de mots, de phrases assemblés de façon littéraire, avec le moins d’autonomie possible, écrit a posteriori pour coller à l’image.
*Site à consulter :
www.pointligneplan/cineastes.net
FILMOGRAPHIE NON EXHAUSTIVE
2003 Bologna Centrale (Documentaire)
2003 Mon voyage d’hiver (Cinéma), VM5325 - DVD
2001 Entering Indifference (Cinéma),
2001 Bonne nouvelle (Documentaire)
2000 Leçons de ténèbres (Cinéma), VL0940 - DVD
1995 Rome désolée (Documentaire), TW1401 - DVD
1989 The Charm of Confusion (Documentaire)
1986 Arrière saison (Cinéma)
1985 Londres, janvier 1985 (Documentaire)
PC