SICK PAY
Comment sortir du cul-de-sac grime sans donner l’impression de prendre la poudre d’escampette ? C’est l’équation à quatre inconnues à laquelle Virus Syndicate tente d’apporter quelques liminaires solutions.
Si chaque mois s’écoulant accroît la popularité tant critique que publique de son proche cousin musical le dubstep, le grime et ses serviteurs zélés éprouvent bien des difficultés à passer outre le peu flatteur statut de « sous… » et le cercle de bad boys qui tente vaille que vaille de le faire exister.
Pour les fraîchement débarqués de Saturne qui n’auraient pas remarqué à quel point la Médiathèque s’est entichée du dubstep et des univers sonores qui lui sont liés, on se contentera, à destination des néophytes et mémoires courtes, de pointer quelques distinguos et caractéristiques propres au grime: place centrale accordée aux débits acérés de MC’s sous haute influence hip-hop US, approche plus physique dans le traitement du son qui puise davantage aux courants récents issus du dancefloor (2-step, jungle, breakbeats…) qu’aux sources jamaïcaines, et une image sombre et floue qui flirte volontiers avec l’ambiguïté façon gansta rap.
Donné pour (presque) mort par ses détracteurs et déjà menacé d’asphyxie, le grime connaît, de Dizzee Rascal à Wiley, un exode sans précédent de ses figures de proue musicales vers d’autres cieux musicaux.
À l’oreille, « Sick Pay », second album du collectif d’origine mancunienne (alors que le berceau du grime est localisé dans l’Est de Londres) Virus Syndicate, fait autant songer à une tentative de rapprochement entre un rap US (modérément) canaille et son plus discret mais fureteur pendant britannique, qu’à un chantier/laboratoire destiné à vérifier le bien-fondé de quelques portes de sortie de crise. Le DJ/producteur M.R.K.1 (lire Mark one) et sa clique de MC’s Goldfinger, JSB et Nika. D, la fine équipe de V.S., semblent continuellement chercher à enrichir leur vocabulaire sonore en puisant à tout va (hip-hop, rock, cordes, musiques ethniques…) tout en offrant un vaste étalage de leur savoir-faire dans leur domaine élargi (grime et dubstep). L’enchaînement à la fois disparate et à l’emporte-pièce, mais étrangement prévisible de leurs uppercuts bombastiques les fait ressembler à des boxeurs à la parade, toisant d’invisibles adversaires dans de brefs échanges hyperchorégraphiés, mais enfilant, tel une armée de Mike Tyson chics défilant pour un grand couturier, un short frais au premier débordement sudoripare visible !
Moralité, « Sick Pay » est pareil aux premiers pas dans la « vraie vie » d’ex-délinquants décidés à rompre avec un passé socialement chargé. La démarche est parfois maladroite et les mauvais réflexes reprennent parfois le dessus, mais quelques perspectives encourageantes se dessinent malgré tout.
La suite au prochain méfait ?
Yannick Hustache