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Pointculture_cms | critique

VRIOON

publié le

En 2002, Vrioon inaugure le premier chapitre d’une fructueuse collaboration entre l’électronicien allemand Alva Noto et le pianiste japonais Ryuichi Sakamoto. Précieux !

Difficile de se soustraire aux présentations d’usage. À ma gauche, Alva Noto, alias Carsten Nicolai, originaire d’Allemagne de l’Est et bien connu des sphères électroniques avant-gardistes non seulement en tant qu’artiste, mais aussi en tant que fondateur et cheville ouvrière du réputé label Raster-Noton, créé en 1999. Il y fait paraître depuis lors une bonne partie de ses travaux, partagés entre productions propres et projets collaboratifs dont le morceau de choix, outre ses participations à Signal (avec Bytone et Bretschneider) et Cyclo (en compagnie de Ryoji Ikeda), tient dans ses échanges prolongés (cinq disques jusqu’ici) avec le musicien Ryuichi Sakamoto. Ancien membre du Yellow Magic Orchestra, acteur et touche-à-tout musical de talent (collaborateur recherché, compositeur de musiques de films, etc.), le Japonais est également un pianiste accompli qui ne fait guère mystère de sa filiation à l’école dite impressionniste (celle de Debussy). Première étape parue en 2002 d’un parcours également jalonné d’une performance live commune au festival Sonar (qui sera éditée en DVD sous le titre Insen Live en 2006), Vrioon inaugure cette rencontre entre le toucher pianistique minimal et quasiment furtif de Sakamoto et l’électronique de « structure » explorée par l’Allemand. Sise aux frontières de l’audible, la « micro-techno » d’Alva Noto agglomère des rythmes fragmentés et lilliputiens, comme des pulsations élaborées mathématiquement au travers d’un microscope électronique, à des effets sonores variés, émergeant à peine d’un silence pratiquement matriciel : basses fantomatiques, nappes spectrales, crépitements numériques, clapotis de signaux synthétiques. Une telle non-confrontation entre l’austèrité d’une électronique rigoriste et le jeu intuitif (improvisé ?) d’un piano aussi économe dans ses interventions qu’aérien dans son exécution risquerait, au mieux, de déboucher sur un dialogue de sourds entre deux protagonistes dont aucun ne prend la pleine mesure de l’autre, et au pire, de se noyer dans une surenchère aux effets strictement neutralisants. Mais ce disque parvient au contraire à trouver un magnifique point d’équilibre, déjà suggéré par le double « oo » central à tous les titres de ces pièces sonores. Un album qui donne l’impression dès son entame (« Uoon ») de prendre le pouls de cette bonne vieille Terre par un beau ciel d’été seulement assombri par le vol tranquille de quelques oiseaux, puis d’en ausculter de plus près l’une ou l’autre nervures parcourues par l’influx vital. Une bipolarisation musicale féconde que les deux hommes ne cessent de poursuivre depuis.

Yannick Hustache

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