WAVEFORM TRANSMISSION, VOL.1
Première personnalité du collectif Underground Resistance à sortir de l’anonymat militant, Jeff Mills est devenu rapidement le porte-parole d’une techno minimaliste et radicale, tant à Detroit dont il est originaire que dans le reste du monde.
Membre fondateur du plus culte des collectifs électroniques de Detroit, Underground Resistance, Jeff Mills décide toutefois en 1992 de quitter la ville et de se lancer dans une carrière internationale, débordant le rôle du DJ et du producteur de musique, pour se lancer dans d’autres aventures, tisser un nouveau réseau. Il est ainsi devenu, après un passage par New York, un élément-clé de la techno berlinoise, en devenant resident DJ du fameux club Tresor, et en fondant (avec un autre expatrié de Detroit, Robert Hood) les labels Axis et Purpose Maker. Waveform Transmission est le premier disque issu de cette nouvelle carrière, il est sorti alors sur le tout jeune label Tresor. La seconde vague de Detroit y rencontre les sonorités industrielles de l’électronique européenne, les rythmiques sont puissantes, pesantes et l’atmosphère est futuriste, urbaine et un tantinet apocalyptique. Bien plus dure que la techno actuelle, la musique de Jeff Mills refuse la distinction entre house, techno et hardcore. Elle est brutalement frontale, violemment efficace. Pour accentuer encore cette efficacité, et conscient de devoir s’adapter à un public européen, différent du public américain, avec une histoire différente, et des références musicales tout autres, Mills inventa, avec Hood et d’autres musiciens, l’idée d’une techno minimale, concentrée sur les éléments-clés de la musique, un rythme direct, rigoureusement stable, dépourvu de breaks ou de changements de tempo, et une ligne mélodique lapidaire, réduite à une boucle et quelques riffs. Cette version radicalement épurée de la house allait fédérer une part plus large du public en gommant de la house et de la techno les traits « trop » directement liés à une ville (Detroit, Chicago, New York) ou une tradition (disco, gospel, jazz, funk), et en tentant au contraire de l’universaliser. Simplification sans être un appauvrissement, cette nouvelle démarche allait contribuer à désenclaver encore les genres, et à placer la techno dans une perspective plus large que ce qu’elle était alors, à une époque où la séparation entre musique noire et musique blanche, musique américaine et européenne, dance music et rock, étaient bien plus marquée encore qu’aujourd’hui. Un morceau comme « Hacker » par exemple, s’inscrit en revanche autant dans une perspective héritée de la techno de Detroit que de la musique industrielle ou de l’electronic body music européenne. Premier épisode de cette nouvelle démarche, Waveform Transmission connaîtra trois volumes et déclenchera de très nombreuses vocations.
Benoit Deuxant