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Pointculture_cms | critique

MANUSCRIT TROUVÉ À SARAGOSSE (LE)

publié le

Je me rappelle un voyage de jeunesse…

Je me rappelle un voyage de jeunesse…
Nous nous étions arrêtés à Époisses à la recherche d’un délicieux, autant qu’odorant, fromage du coin.
Un vieil homme, assis sur un banc dans un parc, la casquette bien vissée sur la tête m’interpella :
- Hé, jeune homme ! Arrêtez de courir, venez plutôt vous asseoir. Parlons un peu…
J’étais interloqué, mais au fond, pourquoi pas ? Son air débonnaire m’attirait.
Il s’appelait Ernest. Il me demanda d’abord d’où je venais, ce que je faisais par ici. Je lui racontais le plaisir de voyager, de rencontrer des gens… Puis il se mit à me parler un peu de sa vie. Il avait fait la guerre, celle de 14. Encore jeune, il s’était embarqué dans ce qu’il croyait être une aventure de quelques mois, tout au plus. Bien mal lui en prit, il se retrouva dans la plaine de l’Yser, les pieds dans l’eau pendant quatre ans à maudire cette sale guerre. Un jour, Ernest, au hasard des rencontres, tomba sur un homme avec qui il sympathisa très vite. Léon - c’était son nom - et lui devinrent amis, se partageant tantôt un colis de victuailles, tantôt un livre, discutant de l’avenir, se racontant leur passé. Justement, Léon lui dit un soir qu’il se rappelait avoir croisé un Marseillais en chemin vers Paris, un jour de 1907. Alvaro - le Marseillais - était très bavard. Il connaissait tout sur tout. Il lui raconta par exemple qu’il avait rencontré dans un bouge du port de Marseille un jour de 1906, un marin d’un bateau argentin, le Sarmiento, qui avait fait escale à Marseille, avant de partir vers le Japon. Enrique, au cours d’une nuit enfiévrée, lui parla d’une danse qui faisait fureur dans les bas quartiers de Buenos Aires. Il lui donna même les partitions des deux tubes de l’année, « La Morocha » et « El Choclo ». Notre Marseillais comptait les amener à son frère Pierre, propriétaire d’une maison d’éditions musicales.
Et Ernest parlait, parlait… Mais de mon côté, j’étais de plus en plus troublé par cette étrange rencontre… Cela me rappelait que, quand j’étais petit, mon père me racontait des souvenirs de jeunesse de son père. Parmi ceux-ci, lorsque mon grand-père était à Paris, déambulant un soir dans les rues, il avait eu le regard attiré par des limousines arrêtées, d’où sortaient des personnes du beau monde qui se précipitaient dans une belle et grande maison. Mû par la curiosité, il entra lui aussi et se retrouva dans une salle de danse. Après un moment d’hésitation, il aborda un homme qui semblait aussi ébahi que lui et demanda quelle était cette fièvre que semblaient posséder tous les danseurs. Cet homme lui dit qu’il n’y comprenait rien, que ça avait pris le Tout-Paris d’un coup et qu’il s’en sentait un peu responsable parce que cela avait commencé peu de temps après que son frère ait édité des partitions de tango, immédiatement jouées par des orchestres un peu partout dans Paris !
Mon grand-père avait fait la guerre et s’était lui aussi embourbé dans la plaine de l’Yser.
Il s’appelait Léon…

Et Le Manuscrit trouvé à Saragosse dans tout cela ?
Aucun rapport ! Si ce n’est que ce film - picaresque, fantastique et un brin érotique - parle d’un livre dans lequel un jeune officier - un Wallon au nom flamand ! - vit une aventure et rencontre des gens qui racontent leurs histoires dans lesquelles interviennent d’autres personnes qui en rencontrent d’autres… chacun y narrant de son point de vue une partie d’une des histoires. Effet tiroir assuré !
Au bout du film, comme le héros, nous n’arrivons plus à démêler l’imaginaire de la réalité, tant la frange est ténue… Un film culte des années soixante !

Alors regardez ce film. Une première fois, parce que vous êtes intrigués… et ensuite plusieurs fois pour essayer d’en dénouer toutes les histoires ! Et si vous n’y arrivez pas, revoyez-le encore !
Pour les accros, le livre écrit en français entre 1797 et 1812 par le Comte Jan Potocki, un Polonais, vous comblera : dans sa version complète, ce ne sont pas les trois journées que raconte le film, mais bien soixante-six ! Cette dernière édition intégrale a été établie par René Radrizzani à partir de plusieurs versions manuscrites de l’auteur, retrouvée par des héritiers. Édition José Corti, 1990 ou Le livre de Poche n° 9649. Auparavant, la version des trois jours a été éditée en 1958 chez NRF Gallimard.

Ce film a été réalisé en 1964 par Wojciech J. Has, Polonais, et Krzystof Penderecki en a composé la musique. Durée : 180 minutes; N/B; VO, sous-titrée en français. Cette version intégrale a été restaurée par Martin Scorsese.
Diffusé par ARTE le 24 mars 1997. Une quinzaine d’années auparavant, TF1 avait programmé une version de ce film, amputé d’une heure…


RV

 

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