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Pointculture_cms | critique

« Yalda, la nuit du pardon », un film de Massoud Bakhshi

Yalda, la nuit du pardon
Les rouages d’une émission de téléréalité en Iran, et le portrait d’une femme qui cherche le pardon.
« Qu’y a-t-il de plus beau que de faire le bien ? » — Yalda, la nuit du pardon

Tout comme Norouz, la fête de l’équinoxe de printemps, Shab-e Yalda est en Iran une célébration des saisons, de la nuit la plus longue et du solstice d’hiver. Les familles se réunissent pour boire et manger, tout particulièrement des fruits dont le cœur est rouge comme la pastèque et la grenade, symbolisant le feu de la vie et le retour de la lumière. C’est une fête de l’espoir.

Le réalisateur iranien Massoud Bakhshi a choisi ce soir-là pour l’intrigue de son film. Maryam (Sadaf Asgari) est condamnée à mort après avoir tué son mari Nasser Zia, mais une émission de téléréalité, « Le plaisir du pardon » – une émission qui existe réellement en Iran depuis une dizaine d’années –, pourrait lui éviter la pendaison. Elle doit convaincre le public et la fille du premier mariage de Nasser, Mona (Behnaz Jafari), qu’elle regrette ses actions. Si elle réussit à obtenir le pardon, la peine de mort sera commuée en une période d’emprisonnement, et les dons du public compenseront financièrement Mona, la personne lésée, selon les rouages assez particuliers de la loi islamique iranienne et des codes de la charia.

L’action du film se déroule quasiment en temps réel, dans le presque huis-clos du studio de télévision qui diffuse l’émission en direct. Au début du récit, Maryam est très angoissée, et change d’avis, refusant de participer à cette émission qui peut la sauver, mais elle cède quand elle apprend que sa mère veut prendre sa place. Mona, quant à elle, se fait attendre, et le producteur, Ayat (Babak Karimi) doit beaucoup improviser en dernière minute.

Yalda, la nuit du pardon

Les deux femmes sont enfin sur scène, interviewées par un présentateur qui reçoit des ordres d’Ayat par l’oreillette. Malgré les émotions qui la submergent, Maryam tente de raconter son histoire, sa vérité, celle d’une jeune femme forcée (par sa mère) à conclure un mariage temporaire avec un homme riche et beaucoup plus âgé qu’elle. Elle avait signé un contrat qui lui interdisait d’avoir un enfant mais elle est tombée enceinte. Elle a eu une altercation avec son mari ; il a été blessé mortellement, et, paniquée, elle a fui (l’histoire n’entre pas dans les détails, Maryam a-t-elle donné le coup fatal ou s’agissait-il de légitime défense ?). Mona reste de marbre mais on sent qu’elle fulmine intérieurement et que la décision n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît, pour des raisons très éloignées de la simple question du pardon (et peu honorables comme l’apprendra le déroulement de l’action).

Yalda, la nuit du pardon

Les coups de théâtre se succèdent, l’histoire vire au mélodrame. Massoud Bakhshi analyse les rouages d’une émission de téléréalité, mettant en exergue le rôle tout-puissant du producteur qui, tel un chef d’orchestre, gère les différents protagonistes pour obtenir une histoire la plus juteuse possible. Mais c’est là que le film perd un peu de sa force : il n’y a que peu de détails sur les parcours de Maryam et Mona, alors qu’une émission de téléréalité classique (de la plus « sage » et respectueuse à la plus trash) analyse toujours en profondeur les psychologies et émotions des différents acteurs, soulignant plus ou moins fort des traits particuliers de leur personnalité. Peut-être qu’il y a eu des limitations imposées par des conventions locales qui peuvent sembler déconcertantes pour un public occidental, ou une certaine pudeur.

Yalda, la nuit du pardon

Au niveau formel, le choix du temps limité à une nuit, et donc des images tournées dans une lumière qui est toujours artificielle, a permis d’utiliser une certaine palette de couleurs, très homogène, qui relie les plans entre eux. Ce travail de direction photo a été réalisé avec élégance par le Bulgare Julian Atanassov. Le rouge, la couleur symbolique de la fête de Yalda, mais aussi du sang de la victime, domine, associée au jaune qui apporte de la douceur et au bleu qui évoque la froideur. Ces trois couleurs primaires donnent un cachet tout particulier aux images et mettent en valeur les différents personnages, souvent filmés en gros plan.

Malgré les quelques bémols cités plus haut, Massoud Bakhshi filme des personnages habités, marqués par leur passé. Les deux femmes viennent en effet de milieux très différents, l’une riche, l’autre modeste, et le mariage n’a fait qu’exacerber ces différences de classe, créant chez Mona une peur panique de perdre son important héritage. C’est également cet argent qui pousse la mère de Maryam à manipuler sa fille pour obtenir une part du gâteau. Bakhshi aborde des thèmes universels comme l’appât du gain, les jeux de pouvoir, le désir de vengeance et l’hypocrisie, tout en faisant le portrait de la société iranienne actuelle.


Yalda, la nuit du pardon, un film de Massoud Bakhshi (2019)

Iran, France, Allemange, Suisse, Luxembourg – 89’


Texte : Anne-Sophie De Sutter

Crédits photos : ©jbaproduction et ©Somaye Jafari/jbaproduction


Agenda des projections :

À partir du mercredi 14 octobre 2020

Aventure (Bruxelles)

UGC Toison d'Or (Bruxelles)

Cinéscope (Louvain-La-Neuve)

Wellington (Waterloo)

Quai 10 (Charleroi)

Sauvenière (Liège)

Ciné Versailles (Stavelot)