BLIND SHAFT
« La Chine manque de tout sauf de bras » : une réalité
que nous fait découvrir Yang Li à travers l'histoire de deux mineurs
itinérants en quête de travail, ne reculant devant aucun méfait
pour se faire de l'argent.
Tournée à la manière d'un documentaire, favorisant les
plans fixes et filmée caméra à l'épaule, cette première
fiction du réalisateur chinois nous plonge au plus profond de l'âme
humaine, que la nécessité a réduite à l'état
le plus sauvage. Ne cédant jamais à la dramatisation, ce film
dresse un portrait au vitriol de la réalité sociale chinoise.
Car si la modernisation et l'ouverture de la Chine au marché mondial
furent initialement perçues comme un bienfait, elles n'ont malheureusement
fait que creuser le fossé entre les différentes classes sociales,
poussant les plus démunis vers un désoeuvrement extrême.
Livrée par un duo d'acteurs admirables qui portent à eux seuls
l'essentiel du propos, cette fiction documentaire - interdite en Chine -
nous immerge dans un univers cruel et sombre où la morale s'efface devant
le besoin.
Peu de moyens pour dénoncer les effets pervers du libéralisme
en terre communiste, juste le détournement d'un chant populaire lors
d'un karaoké, mais une justesse toujours présente, comme un souffle
pesant, à peine audible au fond du puits. Et l'espoir de lendemains meilleurs
disparaît au loin en une fumée noire et diffuse, témoin
éphémère d'un humanisme absent…
(Michaël Avenia, Lièg)