THING LIKE US (THE)
La musique d'un spectacle consacré à la pensée de Spinoza.
« Nul philosophe ne fut plus digne, mais nul aussi ne fut plus
injurié et haï * », au XVII e siècle, pour
son matérialisme, son immoralisme et son athéisme. La musique
égrène quarante-huit émotions saisies vives en quelques
mots extraits de l'Éthique de Spinoza. Il y a continuité sonore
d'émotion en émotion, elles forment un tout, chacune en expansion
continue, vers une seule matière. Irradiante. Ouverte. À la fois
mystérieuse et sans pudeur. Ça se présente comme une sorte
de récitatif d'opéra, clavecin et voix qui conversent, font évoluer
l'histoire, indiquent des raccourcis, campent les éléments du
décor. Passant aux rayons X notre ossature sensorielle. Plus les affections
s'accumulent, plus la musique trace des lignes de liberté, fausse compagnie
au recueillement mystique, s'amuse dans des bruitages matérialisant la
force, l'énergie des émotions, le cœur qui bat, l'esprit
ivre de son mystère. Le courant qui transporte les émotions les
fait crépiter et se répandre dans le corps, anarchiquement. Les
illusions d'au-delà, à fleur de peau, font des étincelles.
Même si les chaînes des passions ne sont pas loin avec leurs emphases
ténébreuses, c'est une musique de retenue, de dépouillement,
au bord de la joie, juste sur un fil de lumière. « Spinoza
dans toute son œuvre ne cesse de dénoncer trois sortes de personnages :
l'homme aux passions tristes; l'homme qui exploite ces passions tristes, qui
a besoin d'elles pour asseoir son pouvoir; enfin, l'homme qui s'attriste sur
la condition humaine et les passions de l'homme en général (il
peut railler autant que s'indigner, cette raillerie même est un mauvais
rire ).*
* Gilles Deleuze : « Spinoza. Philosophie pratique. »
Éditions de Minuit
Gilles Deleuze : « Spinoza : immortalité et éternité »
(CD)
(Pierre Hemptinne, Charleroi)