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Pointculture_cms | critique

ENFANT ENDORMI (L')

publié le

Il existe une croyance dans certaines régions de l’Afrique qui soutient que l'on peut, au moyen de la sorcellerie blanche, endormir un fœtus afin de le réveiller à un moment plus approprié. C'est le cas de Zeinab, jeune femme vivant dans un petit […]

Il existe une croyance dans certaines régions de l’Afrique qui soutient que l'on peut, au moyen de la sorcellerie blanche, endormir un fœtus afin de le réveiller à un moment plus approprié. C'est le cas de Zeinab, jeune femme vivant dans un petit village du Nord-Est marocain, dont le mari est parti en Espagne afin d'y trouver un travail.


enfant endormiL'enfant endormi pourrait être la réponse fictionnelle au documentaire Quand les hommes pleurent de la réalisatrice. On y trouve la même épure formelle, ce rapport à l'attente et l'importance des hors-champs. Paradoxalement, ce sont eux qui rythment le film et appuient le discours. Alors que le documentaire suivait ces hommes qui avaient quitté leur Maroc natal pour trouver en Espagne de quoi subvenir aux besoins de leur famille, le film nous montre la détresse des femmes restées au pays, guettant le retour de leur époux. Dans les deux réalisations, ce sont les spectres de ces êtres absents qui alimentent le propos. D'un point de vue formel, on pourra remarquer cette même importance des hors-champs : la réalisatrice alterne effectivement des scènes de la vie quotidienne avec des panoramiques, des déserts et des silences, regards perdus qui figurent les absences. L’espace prend alors le pas sur la temporalité du récit. Ces inserts elliptiques agissent comme des catalyseurs et, en désamorçant tout repère de temporalité, accroissent encore cette impression de manque. C'est aussi là que réside la force du film ; en filmant ces frustrations avec grâce, simplicité et non-dits, la réalisatrice substitue à la recherche formelle un discours fort qu'aucune facétie visuelle ne vient altérer.
Pour son premier long-métrage, Yasmine Kassari réussit une fable métaphorique où les enjeux visibles et invisibles/suggérés ont une égale importance. Elle balaie les clichés éculés de ces femmes musulmanes subordonnées à leur mari et affranchies de tout désir. Elles apparaissent au contraire ici otages de l'éloignement de leur époux et en quête de liberté, désobéissant souvent aux injonctions de leurs aînées pour apaiser leurs frustrations. Le film s'articule ainsi autour de ces concepts de passivité (l'absence des hommes) et d’action (le quotidien des épouses et leurs efforts pour maintenir l'espoir). En endormant son enfant, c’est sa propre sexualité que Zeinab met en sommeil. A contrario, Halima ira jusqu'à concevoir l'adultère pour échapper à sa solitude. Plus qu'un essai socio-économique ou anthropologique, L'enfant endormi est un film méditatif, à la fois charnel et inspiré, filmé à hauteur de femme sur fond d'émancipation personnelle.

 

Michaël Avenia

 

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