MENOTTES ROUGES (LES)
Chanson du générique Griffures de femme chantée par Miki Sugimoto, le ton est donné.
Une femme-flic en rouge de la tête aux pieds, menottes et revolver, tue un secrétaire d'ambassade allemand soupçonné du meurtre de plusieurs prostituées, et qui s'apprête à la torturer. Jugée pour meurtre, abandonnée par ses supérieurs, elle est arrêtée, tabassée par ses codétenues dans le fourgon cellulaire et jetée en prison. Pendant ce temps, une bande de malfrats débiles kidnappe une jeune fille, après avoir tué son amant. Ils la violent à côté d'une base américaine, dans le fracas des avions qui décollent... C'est la fille chérie d'un politicien ambitieux, promise au fils du Premier ministre. L'affaire est sérieuse. L'enquête doit rester confidentielle. Elle est confiée à la femme-flic tueuse à laquelle carte blanche est donnée, promesse faite de pardon et de réintégration dans son grade. Le rouge est mis; il va tracer sa voie jusqu'au dénouement fatal. Les hommes sont tous affreux, sales et méchants ; le film, un hymne à la puanteur morale et physique, un pied de nez à la société du tout à la lessive et à la chirurgie esthétique. La farce pue, à l'image des flics et des politiciens. Le happening barbare est aussi pop dans la forme, que morbide dans le fond. Les Menottes rouges, inspiré d'un manga de Tôru Shinohara La Femme de la Section Zéro , témoigne d'une époque où les aspirations libertines des Japonaises demandent à s'exprimer et d'une grande liberté créatrice. Beaucoup de fétichisme, une bonne dose de violences en tous genres, de l'« antiaméricanisme » primaire, des gros plans expressionnistes, des couleurs tapageuses, un sens du rythme et de l'action, un cadrage signifiant qui dévore le visage des acteurs et une distanciation ironique. À regarder d'urgence si vous aimez les femmes fortes qui utilisent leurs apparentes faiblesses pour triompher des pièges tendus par des hommes veules se conduisant comme des « moins-que-gorilles ».
( Pierre Coppée, Charleroi )