WORLD (THE)
Film après film, Jia Zhang Ke filme l’état des nouvelles générations chinoises. L’état mental, émotionnel, culturel. Il scrute les effets seconds de l’ère communiste, les traces, l’accommodement avec les traumatismes, conscients ou inconscients. Sans insister sur le message, mais presque à la manière d’un paysagiste. Chine post-communiste, en plein boum économique, grouillante de misère et de laissés pour compte, face au rêve occidental. Le centre du film ici est justement un parc d’attractions, une réplique dérisoire des grands monuments du monde. Entre autres, la tour Eiffel. À défaut de disposer des passeports et des moyens de voyager, on s’approprie ici les symboles des autres civilisations. Les personnages principaux font partir de la troupe de danseurs, danseuses et gardiens qui animent et veillent sur le parc. Ils baignent dans un univers irréel, dérisoire. Autour, il y a les trafics louches de faux papiers, la réalité des paysans qui viennent travailler sur les grands chantiers, exploités, sans sécurité, la prostitution comme refuge économique banal, immanent… Le film est comme explosé. Il filme les lents dégâts de ce qui fait imploser une société. Avec toute une jeunesse déboussolée, accaparée par les moyens de subvenir à ses besoins, réinvestissant peu à peu les gestes de la liberté, de l’épanouissement personnel. On est aux confins du réel et du virtuel. Rencontres de l’hyper moderne, puissance technologique présente partout dans les esprits, comme une marche forcée vers l’avant qui n’aura aucune pitié pour les largués, et archaïsme, résurgence des traditions refoulées, drames à l’ancienne. Le film inclut de courtes séquences de représentations virtuelles, là où interviennent des messages déterminants pour la vie intime des personnages…