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1974, une partie de campagne

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Tournage à l’américaine pour une campagne électorale à l’américaine. Retour dans les années 1970 sur le candidat Valéry Giscard d'Estaing (1926-2020), un homme politique considéré comme jeune et dynamique, entré en campagne pour la présidence...

En 1974, Valéry Giscard d’Estaing demande au cinéaste Raymond Depardon d’immortaliser sa campagne présidentielle. Ce dernier va prendre le parti de traiter le sujet comme un reportage d’actualité, en cinéma direct, mais en se focalisant non pas sur le programme ou les discours du candidat mais bien plutôt sur ce qui se passe dans les coulisses, durant les réunions, les voyages, les rencontres. Il va privilégier volontairement le non-événementiel, chercher le détail, les gestes, les petits mots, tourner autour de son sujet et non faire un portrait de l’homme à travers ses idées, ses actes, sa stratégie. Il va en tirer un film d’ambiance, presque contemplatif, qui expose la mécanique de la campagne dans ses aspects les plus banals, les plus techniques.

Il faut dire que, malgré les efforts de son personnage pour se montrer jeune et moderne, l’affrontement est de faible intensité. Il ne s’agit pas au final d’une conquête, d’une lutte, mais presque d’une formalité. Cette année-là, il s’agit avant tout pour Giscard de se présenter comme le moins dérangeant possible, comme le moins controversé des candidats. Il a choisi comme tactique de se contenter de quelques « beaux discours rassurants », et de mener une « campagne de généralités ». Elle sera constituée de meetings sans histoires, de visites « surprise » chez des commerçants, et des traditionnels bains de foule. On ne découvrira donc dans le film aucun détail croustillant sur le futur président, ni sur le dessous des cartes de sa campagne, mais bien plus un exposé de tout ce qui l’entoure, en marge : les gens, l’équipe électorale, les conseillers, et bien sûr les médias. Depardon va observer attentivement ses confrères photographes et cameramen, auxquels il consacrera quelques années plus tard son film Reporters.

Le candidat est en représentation, il mange du saucisson, boit de la bière, serre quelques mains, toujours sous les objectifs de la presse. Depardon, lui, filmera tout ce qui se passe quand les caméras de la télévision sont parties, lorsque le personnage se relâche. C’est beaucoup dire qu’il en arrache le masque, mais la distance entre l’homme politique, public, et la personne privée sera suffisante pour décider Giscard d’Estaing à interdire la sortie du film. Il espérait une célébration, une hagiographie, et se découvre banal, un peu calculateur, un peu arrogant, un peu désinvolte. Il espérait La Victoire en chantant, le premier titre qu’il avait choisi pour le film, et se retrouve avec 50,81%, celui qu’avait préféré Depardon. Il n’autorisera la sortie du film que bien des années plus tard, en 2002.

Benoit Deuxant


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