20 ans du Magasin 4 - Jour 12
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Les 20 ans du Magasin 4 jour 12 (ou comment j’ai vu du lourd qui tache mais sans gras ajouté !)
Lundi soir ou pas (je ne travaille jamais ce jour-là), je culpabilise « presque » de, comme d’habitude, zapper le 1er groupe du nom d’El Yunque. « Aucune excuse monsieur Hustache ! » m’aurait dit un de mes profs de langue zélé dans une autre vie.
Pourtant, bien que jamais en manque de rations de boucan de survie, on sait qu’on est venu pour s’en tartiner les oreilles, jusqu’à regretter l’époque où on était moins regardant sur la profondeur du dépôt de cérumen laissé dans les conduits auditifs…
Première séquelle auditive en devenir avec Rabbits, trio étasunien de Portland sis le cul entre un tas de chaises musicales bourrines, heavy noise, sludge punk, stoner-doom, et de fait, un peu le cousin bâtard des Anglais de Part Chimp. Un seul long format qui commence à dater (2011) et une kyrielle d’EP et split singles partagés qui dénotent une lente mais irrésistible mutation vers un rock toujours aussi menaçant, marécageux et lourd, mais où la mélodie gagne peu à peu en puissance. Ramassé, irradiant de puissance et intense, le set se partage entre mid-tempo syncopés et parcourus de ressacs telluriques (ce batteur mes aïeux, qui ratisse les toms graves avec une quasi jubilation hystérique !), pop massue étranglée de scansions vocales survivalistes et courtes digressions instrumentales lancinantes et nauséeuses. L’uniformité goudronnée des origines à fait place à plus d’assurance, de risques musicaux assumés et peut être à davantage encore de noirceur corrosive ! Bluffé tout simplement !
Norvégiens et copains comme cochons (d’abattoir ?) des précédents avec lesquels ils ont partagé tournées communes (déjà passées par ces murs) et un split, les 5 d’Arabrot occupent une place médiane et inconfortable entre le noise rock vintage de Shellac (Albini a été au chevet de leur album Revenge en 2010), le heavy crasseux d’Harvey Milk et l’imprévisibilité du sluge tectonique à la Melvins. Mais surprise (du moins pour votre serviteur qui les voyait pour la premère fois), le gang ajoute à un dispositif scénique peu usité dans le genre (un second batteur uni-tom, multi-instrumentiste et homme à tout faire musicalement, complète l’équation standard basse/batterie/guitare) une panoplie costumière du plus bel effet. On est donc en présence (entre-autre) d’une échappée de l’asile (la bassiste), d’un Quaker pas net (chant/guitare) ou encore, d’un étudiant typé fin XIXème siècle au regard trop honnête pour être digne de confiance… La facture visuelle d’un teenage movie sanguinolent et meurtrier filmé par Rob Zombie (Devil’s Rejects) quelque part ! Cette « différence » se marque aussi dans le rendu concret de leur idiome rock personnel. Théâtralisé dans leur présentation, mais concis à l’extrême dans ses développements musicaux, les Norvégiens remplacent les habituelles digressions virtuoses du genre (soli) par des chassés croisés rythmiques redoutables et inventifs, et par une certaine retenue toute relative dans l’abattement de ces mélodies hantées, éructées, gorgées d’une imbitable tension, plutôt que lâchées de puérile façon à la gueule du public. Une martialité de jeu qui renvoie quelque part à une sorte de rock industriel pré-machinique antédiluvien, tandis que la basse est prise de convulsions cyclotimiques, que le batteur principal s’affirme comme l’élément liant clé de l’affaire, et que la guitare massive et goudronneuse s’éclaircit et s’élève au final en un ultime crescendo aux courbes psychédéliques enfumées et montantes.
Densité ne rimera jamais avec lourdeur…
YH