20 ans du Magasin 4 - Jour 15
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Les 20 ans du Magasin 4, jour 15 (ou comment j’ai appris le véritable sens caché de l’expression : « on prend les mêmes et on recommence ! »)
C’est dimanche, jour du seigneur pour certains. Et de repos pour d’autres. Ce qui explique qu’en toute logique, on était une fois n’est pas coutume, bien à l’heure pour le début des festivités !
Le rock indie « so 90’s » d'It It Anita, c’est un peu comme l’épidémie annuelle de grippe, on sait qu’on ne va pas y échapper ! Sauf qu’à l’instar d’un paquet de « revivalistes » plutôt excitants et portés sur la guitare pas propre (Cloud Nothing, Metz, Marriages, Dumb Numbers…), le fond de l’air reste frais, électrique et piquant, et on laisse volontiers échapper une pointe de soulagement à se sentir enfin sorti du post-80’s sous toutes ses déclinaisons. Ces quatre liégeois nous gratifient d’une visite en bon ordre de nos propres souvenirs pop soniques. On pense d’ailleurs pas mal à Sonic Youth et à ces mélodies dissonantes complexes et mémorables, mais aussi à l’élégance tourbillonnante de Built To Spill, ou encore à l’indolence foutraque et assourdissante des premier Mercury Rev. Sans oublier un final attendu - « entrée et sortie du chaos sonore » - en mode sinusoïdal bien dosé.
Formé en 2009 à Londres après dissolution des bruyants Giddy Motors (deux disques bien frappés dont l’un en 2014) autour de l’impressionnante stature de Gaverick de Vis, Poino est un trio guitare/basse/batterie qui martèle un noise rock solide aux structures lunatiques et à l’urgence poil-à-gratter qui dépasse de partout de sa camisole oh combien primitive. Le genre du groupe à vous faire baisser la garde lorsqu’il serpente en zone blues marécageuse infestée de moustiques avant de vous latter les tympans par derrière à coups de tatanes à la Dazzling Killmen, pour vous achever par quelques lancinances jazzy poisseuses qui rappellent l’évidente proximité entre les scènes noise et free. Pour les avoir vus à deux reprises précédemment, on sait ce dont ils sont capables. Malgré sa densité volcanique et sa maîtrise d’exécution sans faille, on sent que quelque chose plombe la mécanique, comme si chacun des protagonistes de Poino abattait sa partie de boulot dans son coin, évitant soigneusement de déborder sur le champ musical de ses pourtant indispensables compères. De fait, les 3 hommes ne s’adresseront guère la parole ce soir-là et feront, dans les jours suivants, paraître un communiqué annonçant leur dissolution… Hé merde !
Alors que les trois bonshommes de Vaz se saisissent de leurs instruments (PS, batterie et deux guitares), on a furieusement l’impression d’être remonté dans le temps, pas plus tard qu’il y a trois semaines, dans ce même hangar, le plus sympathique de ce côté-ci du canal ! Logique puisque Vaz regroupe les deux tiers quarantenaires bien sentis d’Hammerhead (passé il y a peu sur cette même scène) en tournée européenne « bis » avec un disque « discret et déjà ancien à défendre (Visiting Hours, remonte à 2013) quasi aucun merchandising à fourguer (sauf une poignée de K7 et de singles vinyle) On n’est pas dépaysé – « Welcome to the noise circus ! » - bien que jamais le combo US ne sonne comme un fac-similé de remplacement à tête-de-marteau. Les titres affichent d’ailleurs un bilan compteur différent, tâtant fréquemment les cinq minutes chrono. Le chant marque davantage de retenue et prend volontiers des accents mélodiques et scansions très post-punk. Mais le morceau de bravoure impériale de Vaz vient du jeu de ces deux guitares à la fois sibyllines, complices et joliment dévastatrices, couplées à un batteur à la frappe précise d’un sérial killer revenu à de plus humaines dispositions. Gorgés de tension mais sans jamais céder au registre benêt de l’agression gratuite, les missiles sonores tombent les uns après les autres, sales, incongrus, pervers et presque brutaux, libérant une myriade de shrapnels sonores qui vont se loger fissa au creux des oreilles et y demeurer quelques temps sous forme d’acouphènes jouissifs.
Une chose est sûre, le bruit rock’n rollien est une petite fontaine irradiante de jeunesse aux vertus insoupçonnées…
YH