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3 documentaires de jeunes cinéastes (P’tit Ciné / Pianofabriek)

Jeunes premiers, jeunes premières - Ptit Ciné - triptyque
À Saint-Gilles ce jeudi 24 février, « Jeunes premiers, jeunes premières », programmation de trois portraits de lieux, de groupes et d’individus bruxellois par des élèves – ou étudiants fraichement diplômés – de la HELB, de l’Insas et du RITCS.

La Maison de Mieriën Coppens et Elie Maissin (Belgique, 2019 – 25’)

"La Maison" - Mieriën Coppens et Elie Maissin - RITCS

"La Maison" - Mieriën Coppens et Elie Maissin - RITCS

Ce n’était pas compliqué de filmer [lors de ce moment de repas et de repos dans une marche de sans-papiers]. J’avais marché douze heures avec eux. Et quand on est arrivés là, ils me reconnaissaient, ils avaient remarqué que j’avais fait tout le chemin à leurs côtés, à filmer. Ce n’était donc pas problématique de filmer là. Ils sont même venus vers moi en disant ‘Mange !’. Mais, j’ai préféré continuer à filmer. Je leur ai dit ‘Non, merci !’ — Mieriën Coppens, interviewé par Rinaldo Censi à propos d'un de ses films précédents : ‘Carry On’

On avait découvert le travail cinématographique de Mieriën Coppens avec Carry On (2017), un court métrage de douze minutes, presque muet (« Parce qu’il est focalisé sur des figures silencieuses bien que leur lutte soit très bruyante », carton de fin) tourné au cours d’une marche Bruxelles-Anvers-Malines de plusieurs collectifs belges de sans-papiers. Plutôt que de rendre compte de toute la manifestation, de la marche elle-même (dont le jeune cinéaste dit, dans l’entretien à Encontros cinematografico cité ci-dessus, avoir quatre heures d’images), Coppens préfère rendre compte de ce moment particulier, de cette parenthèse où la marche s’interrompt et où les corps exténués par douze heures de marche – et par des mois et des années de lutte – se reposent, où on se perd dans ses pensées et où on échange quelques mots. Déjà en 2017, Mieriën Coppens suivait la mobilisation des sans-papiers, en particulier celle du collectif La Voix des sans-papiers de Bruxelles, depuis pas mal de temps. Pas juste aux grandes occasions, aux manifestations. Mais au jour-le-jour, à la fois en ami et en cinéaste, entre autre lors des multiples déménagements forcés du collectif, de squats précaires en occupation autorisée mais non moins temporaire. Son film On se sauve (2017, coul., 10’) filmé dans le huis clos d’une cage d’escalier rend compte d’une de ses relocalisations forcées, « la dixième ou la onzième » se souvient le réalisateur. Si pour lui cinéma, amitié et engagement vont de pair, ses films sont à dix mille lieues du clip de propagande ou des dérives de nombreux objets audiovisuels militants qui oublient le cinéma en cours de route (expliquer, simplifier, convaincre). Ses films sont peut-être moins « efficaces » dans le contexte de la communication immédiate des luttes mais ils proposent des témoignages précieux, filmés presque de l’intérieur des collectifs, qui par leurs qualités cinématographiques résisteront à l’usure du temps.

La Maison (coréalisé avec Elie Maissin, 2019, NB, 25’), projeté ce jeudi soir à la Pianofabriek, reprend le beau noir et blanc de Carry On et l’unité de lieu de On se sauve. Dans l’exiguïté oblongue d’un couloir, le duo de cinéastes nous fait plonger sans préliminaires, sans introduction, dans une réunion du collectif, dans une assemblée où il s’agit de resserrer les boulons en termes de sécurité du bâtiment… et de préparer un projet énième déménagement. Les avis s’échangent, parfois tranchés mais toujours respectueux de la parole de l’autre et du bon déroulement de la réunion. L’autogestion et la démocratie directe se déploient devant nos yeux. Jusqu’à envisager de débattre pour accorder une deuxième chance à l’un d’entre eux, mis à la porte trois mois plus tôt pour déprédations et non-respect des règles de la collectivité. « Tout le monde mérite une deuxième chance » ; « ça sera La Maison qui décidera ». ici, La Maison représente en effet beaucoup plus qu’un bâtiment, qu’un objet architectural ; c’est aussi – surtout – un collectif, une entité humaine à plusieurs corps. La fin du film, moment d’ouverture, de rupture du huis clos, de dispersion et de mise en mouvement est particulièrement belle elle-aussi.


Mother’s d’Hippolyte Leibovici (Belgique, 2019 – 22’)

"Mother's" - Hippolyte Leibovici - Insas

"Mother's" - Hippolyte Leibovici - Insas

Le court métrage d’Hippolyte Leibovici partage avec La Maison son ancrage dans un cadre architectural exigu et l’ouverture finale qui dilate l’espace. Filmé dans les loges du célèbre cabaret transformiste bruxellois Chez Maman, ce film récemment montré à la triennale Magma d’Ottignies Louvain-la-Neuve, enregistre les conversations de la volubile maîtresse des lieux, Maman, et de quelques-unes de ses « Drag Daughters » en train de se maquiller, de se transformer et de se préparer pour monter sur scène. Entre traits d’humour acérés qui fendent l’espace et flutes de champagne qui se vident, les échanges fusent autour de leur double coming out, accompli ou encore temporairement interrompu à mi-parcours (le premier en tant qu’homosexuels, le second en tant que Drags Queens), de leurs familles (biologiques et de choix), des mamans qui leur ont donné naissance et des « Drag Mothers » qui les aident à être ceux/celles qu’ielles ont décidé d’être aujourd’hui.


Jeune premier de Constance Piketty (Belgique, 2021 – 23’)

"Jeune premier" - Constance Piketty - HELB-Cinema

"Jeune premier" - Constance Piketty - HELB-Cinema

Plus convaincant dans sa (principale) partie documentaire que dans le (court) insert fictionnel qui y est enchâssé, Jeune premier propose l’attachant portrait d’un homme âgé, Daniel Thielemans, entre l’appartement bruxellois où il vit seul et les plateaux de cinéma, découverts sur le tard via une petite annonce de casting, où il s’épanouit désormais et revendique le meilleur statut possible à ses yeux, le plus libérateur : celui de « Vieux monsieur qui s’amuse ».

Philippe Delvosalle


Jeunes premiers, jeunes premières

Jeudi 24 février 2022 – 20h

Pianofabriek
(
une programmation du Ptit Ciné)
35 rue du Fort
1060 Saint-Gilles

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