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Questions à Jonathan Demeyer du Makilab (Louvain-la-Neuve)

Maki Lab Louvain-la-Neuve
En quelques années le Makilab (le « fab lab » de Louvain-la-Neuve) est devenu un acteur incontournable aussi bien pour les étudiants que pour les habitants de la ville.

Nous pouvons compter sur eux pour un éclairage très didactique sur la communauté des makers. Comme pour notre table ronde sur Ma ville numérique – Nouvelle approche de la démocratie citoyenne.


- Thierry Moutoy (PointCulture) : La crise du covid a mis en avant très vite l'aspect démocratique et solidaire des fab labs qui ont souvent apporté des solutions concrètes et locales à un problème mondial. C'est la victoire de David contre Goliath. Penses-tu que cela va changer l'histoire des makers mais aussi de l'open source avec la centralisation des plans de fabrication ?

- Jonathan Demeyer (Makilab) : La crise du covid a permis de mettre en avant les atouts des fab labs : aspect local, circuits courts et flexibilité. Notre raison d'être n'est pas de remplacer les usines très spécialisées sur un produit, mais nous avons été ravis de pouvoir apporter une aide quand la production mondiale était à l'arrêt, en fabriquant du matériel de protection pour le personnel de première ligne.

Le mouvement maker est en marche et cette crise a donné un petit coup d'accélérateur à une tendance de fond !

Pour ce qui est de la publication des plans en open source, je vois cela comme un mécanisme à deux vitesses. Il y a d'un côté des fabricants « conventionnels » qui proposent leurs lots d'innovations et qui ne veulent pas se faire copier par le premier venu. Il y a de l'autre côté des initiatives open source qui peuvent répondre différemment à des besoins particuliers.

En ce qui concerne les respirateurs, le défi était le suivant : « Comment fabriquer des respirateurs abordables avec des composants disponibles rapidement et en nombres suffisants ? » Le résultat a ensuite été partagé avec des universités au Bénin et au Brésil. Dans ce cas-ci, je vois les projets (de respirateurs) open source qui ont émergé comme des solutions pour les situations critiques. — Jonathan Demeyer

Il y avait dans le monde une telle demande en urgence pour les respirateurs que la poignée de fabricants traditionnels ne pouvait pas suivre. C'est là où la fabrication distribuée sur base de plans open source était une solution. Heureusement, la saturation des soins intensifs et des lits avec respirateurs ne s'est pas produite en Belgique et nous n'avons pas dû avoir recours à notre projet mais cette alternative existait. L'open source a des atouts et nous avons pu en mettre un en évidence.

- Avez-vous rencontré des problèmes particuliers pendant la crise ?

Nous avons rencontré des problèmes mais nous ne sommes pas les plus à plaindre. Mais effectivement, le fab lab tourne un peu au ralenti avec cette crise. Le nombre de personnes ayant accès au fab lab en même temps a été limité à deux personnes. D'habitude, nous avons des ouvertures en dehors des heures de bureau pour permettre à n'importe qui de venir découvrir le lieu ; ces ouvertures sont actuellement annulées. Nous organisons aussi ponctuellement des formations sur des logiciels liés à la fabrication ; en automne, nous avons fait une version en ligne d'une formation mais nous sommes impatients de pouvoir revenir à un format présentiel, qui simplifie certains aspects.

- Comment s'organise un fab lab basé sur un campus universitaire… mais sans étudiants ?

J'aimerais tout d'abord rappeler que nous avons une relation particulière avec l'université, mais nous ne sommes pas un 'fab lab' étudiant, nous sommes un 'fab lab' tout public. Par contre, on ne peut pas nier que les étudiants sont une partie non négligeable de ce public. Ceux-ci sont actuellement discrets mais ils n'ont pas totalement disparu. — J. D.

- Avant le covid, nous avions l'aide d'un étudiant un après-midi par semaine pour tenir le fab lab ouvert mais cet accord a été suspendu pendant une longue période. Depuis la rentrée de septembre, cette aide a non seulement été renouvelée mais elle a même été étendue à quatre étudiants. Certains projets du cursus universitaire ont recours au fab lab et ces projets ne se sont pas arrêtés, mais c'est sûr que des projets plus « folkloriques » se font beaucoup plus rares.

- La saison 2020/21 est placée sous le signe de la révolte chez PointCulture. Et toi, quelle est ta révolte (en ce moment) ?

Je vais donc parler ici à titre personnel. Ce qui me révolte en ce moment, c'est le repli identitaire et la croyance dans le fait que tout était mieux avant. Le repli identitaire est une tendance assez forte partout dans le monde et il signifie que l'on ne se préoccupe plus de ce qui arrive à autrui. Quant à ceux qui croient que tout était mieux avant, je pense qu'ils idéalisent beaucoup le passé. Je suis d'accord qu'il y a des choses qui ne vont pas : les inégalités sociales, le réchauffement climatique, le terrorisme, la désinformation, sans parler du covid ; mais ne pas reconnaitre les progrès médicaux, technologiques et de société, c'est soit de l'ignorance, soit de la malhonnêteté.


Interview (par e-mail) : Thierry Moutoy, janvier 2021


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