3 questions à Alexis Messina (Liège Digital Lab)
Inauguré à la fin de l'année 2017, le Digital Lab de Liège abrite un pôle expérimental et pédagogique dédié au jeu vidéo. À deux pas de la bibliothèque Chiroux,
le laboratoire entend attirer un large public composé d'universitaires
et d'amateurs. Pour nous le présenter, Alexis Messina a répondu à nos
questions. Il est étudiant-moniteur pour le
Liège Game Lab , cellule de recherche sur le jeu vidéo et les sciences
du jeu
(LGL - dir. Björn-Olav DOZO) du Laboratoire d’étude sur les médias et
les médiation
(Lemme) et partenaire à l’initiative du laboratoire.
Notre véritable richesse provient de la diversité de notre public et de sa motivation à alimenter le débat sur la place du jeu vidéo dans la société. — Alexis Messina
- Les endroits tels que les fab labs, hackerspaces ou les digital labs sont associés à la notion de
« tiers-lieu ». Qu’est-ce que ça signifie ? L’ indépendance
économique et politique constitue-t-elle un prérequis pour un tel projet ?
- Alexis Messina : Le terme « tiers-lieu » a été
imaginé par le sociologue américain Ray Oldenburg à la fin des années
quatre-vingts comme un espace collectif présentant des caractéristiques propres
à l’espace de travail et au domicile, un espace profondément hybride.
Aujourd’hui, cette notion est davantage imaginée comme un lieu mis en place
pour privilégier la rencontre, la médiation et l’innovation.
Pour revenir au cas précis du Digital Lab, ce projet est issu de la collaboration entre la Province de Liège et l’Université de Liège. Il ne s’agit donc pas d’une initiative au départ citoyenne, mais bien d’une collaboration entre pouvoirs publics. Pourtant, le Digital Lab remplit la fonction de tiers-lieu : sa mission principale est de générer la rencontre des publics autour de la question du numérique et de ses applications (notamment le jeu vidéo et la réalité virtuelle). Du matériel dernier cri mis à disposition à l'animateur permanent en charge de la coordination des projets, tout converge vers l’initiation, la découverte et la discussion. Par conséquent, l’indépendance économique ou politique ne me semble pas représenter un prérequis en soi.
- Le Digital Lab aborde le territoire du numérique par le jeu. On sent qu’au cœur de cette démarche, il y a la conviction que le jeu doit être considéré comme une forme matricielle pour l’innovation. Le mot jeu est-il devenu synonyme d’expérimentation ?
- Le jeu vidéo a toujours été synonyme d’expérimentation. Depuis sa naissance dans les années soixante suite aux travaux de quelques programmeurs désirant tester les limites de leurs ordinateurs, le dispositif vidéoludique a revêtu bien des formes pour devenir ce qu’on lui connaît. Dans notre cas, nous considérons le jeu vidéo comme un objet et une pratique culturelle d’une grande richesse, mais également comme un objet de médiation. Nos expérimentations sont donc essentiellement liées à la mise en place d’animations. En d'autres termes, comment favoriser la rencontre, dont nous citions l’importance plus haut, par le biais du jeu vidéo? Comment faire exister le tiers-lieu par le dispositif vidéoludique
À titre d’exemple, prenez un jeu présentant un mode « bac-à-sable » – comme les Sims ou Minecraft – dans lequel le joueur peut construire des structures diverses (maisons, jardins, tours d’habitation, structures contemporaines, etc) tout en fixant ses propres objectifs. L’absence de véritable but autre que la construction nous permet de réutiliser le dispositif voire de le détourner : parler d’urbanisme, d’écologie citoyenne, étudier le plan, l’architecture, la place de l’art en ville… Évidemment cette réflexion n’est pas nouvelle et d’autres institutions travaillent déjà sur ce sujet
L’animation n’est cependant pas le seul
rôle du Digital Lab et celui-ci accueille tous ceux qui désireraient simplement
se retrouver autour d’un jeu : un club de rétro-gaming y a élu domicile tous
les premiers jeudis du mois, des joueurs de tous horizons vont et viennent afin
de tester et conseiller des jeux, des développeurs indépendants – parfois autodidactes
– passent afin d’échanger sur leur passion, des artistes y exposent leurs
oeuvres… Notre véritable richesse provient de la diversité de notre public et
de sa motivation à alimenter le débat sur la place du jeu vidéo dans la
société.
- Quel est le rôle joué par Liège dans cette initiative et quel est son rayonnement dans la ville ?
- Liège occupe une place centrale pour le
Digital Lab. Tout d’abord, il s’agit de mettre en place des collaborations avec
le tissus associatif liégeois désireux d’aborder le jeu vidéo. Ensuite,
l’Université de Liège abrite de nombreux étudiants, chercheurs ou professeurs
étudiant régulièrement les « sciences du jeu » et qui participent au
débat. Enfin, le Digital Lab appartient au projet de la Province et de la Ville
de Liège d’ouvrir un pôle culturel en 2022 sur l’ancien site de l’hôpital
Bavière, Boulevard de la Constitution. Par conséquent, le Digital Lab
emménagera dans de nouveaux locaux et y rejoindra une bibliothèque, un «
Exploratoire des possibles » dédié à la création artistique/économique
ainsi qu’une pépinière d’entreprises, le tout dans un esprit de rénovation du
quartier. Il sera donc à terme intégré dans un grand dispositif culturel à
vocation citoyenne. En attendant, nous accueillons tous ceux qui s’intéressent,
de près ou de loin, au jeu vidéo dans notre local actuel.
Propos recueillis par Catherine De Poortere
Digital Lab de la Province de Liège
17, Rue des Croisiers
4000 Liège
Cet article fait partie du dossier Liège.
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