Aboriginal Signature : galerie spécialisée en Art aborigène australien
L’impact est vaste au delà de nos frontières «des galeries, collectionneurs et des musées australiens achètent aussi des œuvres ici à Bruxelles» confesse son très passionné propriétaire, Bertrand Estrangin, après une première vie professionnelle chez Solvay, globe-trotteur nourrissant depuis toujours un intérêt pour le(s) nomadisme(s), intérêt illustré par de nombreux voyages en Algérie, Niger, Libye, Irak, Yémen… L’homme a ressenti un véritable choc esthétique lors de sa découverte de l’art aborigène dans l’ancien Musée d’art aborigène d’Utrecht. «Je me suis intéressé à l’art aborigène australien il y a des années. Je l’ai collectionné pendant 16 ans. L’art rupestre, en particulier, celui de peuples disparus dont on ignore le sens, m’a toujours intrigué».
Sauf que dans le cas bien particulier de cet art aborigène, sa mémoire n’a pas été perdue, et ces artistes, bien qu’isolés des autres sociétés humaines pendant plus de 65000 ans, convoquent au présent la plus ancienne mémoire de l’humanité ! — Yannick Hustache
Leurs peintures traitent d’histoires qui remontent pour nous, avant le temps de Lascaux (-18 000 ans), mais les indigènes sont encore capables de vous expliquer, une œuvre réalisée sur une paroi rocheuse, tant que le peuple qui en est l’auteur vit toujours à cet endroit !
Pour ces peuples appelés aborigènes (du latin ab origine, qui signifie «depuis l’origine ») qui parlent 80 langues différentes et occupent un territoire grand comme 51 fois la Belgique - récupéré dans le cadre du Native Act Title -, il n’y a pas eu la césure occidentale entre les temps de la préhistoire et de l’histoire, mais bien une vraie continuité. Un peuple qui a dû garder la mémoire des lieux et conserver pour sa survie, un lien sacré avec la nature. Un peuple qui respecte la Terre et tient à la transmettre aux (milliers) de générations qui vont leur succéder. De fait, aucun peuple n’a été capable d’une telle continuité, 5000 ans au mieux pour nos plus vieilles civilisations. Fait majeur dans la culture aborigène, le déluge qui a eu lieu entre -18 000 et -12000 ans, avec une montée des eaux qui isola certaines terres devenues îles (La Tasmanie, les îles Tiwi) et provoqua des conflits dans le sud de la plaine du Nullarbor.
Ils n’avaient pas d’écriture, donc ils ne peuvaient se permettre d’oublier ! La transmission de la mémoire orale se fait encore via de grands initiés qui se forment pendant près de 20 ans. On peut dire que c’est un peuple de l’immatériel avec de grands intellectuels, mais sans technologie… l’indicateur erroné du niveau civilisationnel d’une société selon l’Occident.
Le continent australien est majoritairement désertique dans l’ensemble du centre avec des ressources rares, contraignant ses occupants peu nombreux à se déplacer en permanence. Il est segmenté en de nombreux territoires qui appartiennent à autant de clans ! Les échanges se faisaient d’un bout à l’autre du continent, au travers des tribus, de proche en proche comme pour les nacres gravés. Mais les individus ne s’aventurent que très exceptionnellement sur les territoires d’une autre peuplade que la leur sans invitation.
On note plusieurs moments d’émergence de l’art aborigène. C’est initialement un art du tracé sur le sable ou sur le corps, peint en association avec des lieux. Il était en partie éphémère (sauf celui des grottes) et a toujours pour vocation de transmettre la connaissance essentielle. Les peuplades qui vivent en zones désertiques, devaient mémoriser de façon parfaite les chemins ancestraux menant à l’eau au aux ressources indispensables, et s’aidaient pour cela des repères connectés aux constellations.
Mais, pour ses occupants ancestraux reconnus par référundum comme citoyens australiens en 1967 (…) l’intérêt « occidental » pour leur art est relativement récent. En 1932 à Hermannsburg, un cartographe passionné d’aquarelle va apprendre cette technique à son guide aborigène. Un centre va y voir le jour plus tard. En 1946, à Ernabella dans le désert central, au sein de missions religieuses, des femmes vont transférer sur de la soie, des peintures qu’elles réalisaient sur des corps. En 1969, les Aborigènes sédentarisés à Papunya vont transférer leurs histoires sacrées sur des planches de bois, dés le départ avec de l’acrylique, pour cristalliser leur mémoire fragilisée parle monde occidental. En 1971, Geoffrey Bardon (1940-2003) va inviter des enfants à peindre des signes sur l’un des murs d’une école. Il va ensuite sélectionner 104 œuvres et va les faire rentrer au musée de Darwin. Leurs œuvres se retrouvent dans de multiples musées aux USA comme au MET, en Australie, et en Europe comme au British Museum qui possède, depuis le début du XIXe siècle une écorce sur laquelle figure un ancêtre Barramundi – immense perche ! Une pièce depuis réclamée par les Aborigènes de la Terre d’Arnhem. Des artistes français comme Karel Kupka vont également collecter en 1950 des écorces peintes sur eucalyptus pour des musées de la métropole.
Ce qui est important aux yeux de leurs auteur(e)s et des collectionneurs, ce n’est pas l’ancienneté l’œuvre, mais bien le message partagé sur l’œuvre : « a-t-elle été faite par un initié ? » Convoque-t-elle la mémoire au présent...
Leur art embrasse de multiples média et techniques à travers cet Ile continent. On va avoir des œuvres pointillistes à l’acrylique dans le désert central mais également dans le sud du pays. Plus à l’Ouest dans le Kimberley, on va trouver des pigments naturels sur toile, comme dans les Iles Tiwi. Au Nord, en Terre d’Arnhem, c’est la peinture Raark avec des rayures en pigments naturels d’ocres peintes sur écorce et tronc d’eucalyptus.
Côté objets, on recense les pukumanis - poteaux cérémoniels sculptés - dans les iles Tiwi, des animaux totémiques sculptés également, des boomerangs utilisés lors des cérémonies ou pour la chasse, des poteries dans le APY land (sud de l’Australie), ou des objets usuels remarquablement tissés dans le nord du pays.
Avec leurs motifs torsadés, aux effets cinétiques, certaines peintures semblent « vibrer » et même, aux yeux de certains occidentaux, présenter d’étranges resonnances « psychédéliques ». Alors qu’il faut plutôt voir ces œuvres comme des cheminements codifiés pour se rendre en des lieux dessinés par les Grands Ancêtres. Comme si les auteurs de ces œuvres multidimensionnelles utilisaient cette vibration pour parler aux esprits au delà des premières perceptions. Les formes vont nous paraître abstraites mais aux yeux de leurs auteurs elles traduisent avec intensité, respect et émotion, la partie d’un monde dont ils sont les gardiens.
Ouvert du jeudi au samedi, la galerie accueille autour de 10 expositions d’art Aborigène par an, ce qui est unique en Europe (chacune courant sur un mois entier). Détail important, toutes les œuvres proviennent directement des centres d’art australien (des communautés artistiques appartenant aux Aborigènes) localisées dans les zones les plus éloignées du pays, souvent désertiques. Elles leur permettent de transmettre la mémoire aux jeunes générations. Ces œuvres intègrent les plus grands musées depuis plusieurs années, et font vivre une communauté entière. Dans la grande tradition des chasseur-cueilleurs, les artistes partagent le fruit des ventes avec souvent 20 personnes. « De notre côté,, on sélectionne les peintures et sculptures in situ, pour garantir la qualité des œuvres et s’assurer d’une provenance éthique.» conclût Bertrand Estrangin.Aboriginal Signature Estrangin Gallery : 101 rue Jules Besme, 1081 Bruxelles (Koekelberg) - Belgium. Tél : 32 (0) 475 55 08 54
Lors des expositions, ouvert du jeudi au samedi.
Du 6 juin au 30 juin : Exposition « Transcend Generations : Papunya Tula », avec des œuvres du centre d’art historique, de 1971 à 2018.
Email : info@aboriginalsignature.com
Site web : http://www.aboriginalsignature.com